2016

09/09/2016

Dîner-dégustation au Château d’Yquem

A l’occasion des 18e Vendanges de Malagar et des 30 ans du Centre François Mauriac

Dr José Vouillamoz et Monsieur Pierre Lurton
officiellement nommés Académiciens du Vin de Bordeaux

Nicolas de Bailliencourt, Pierre Lurton, José VouillamozNicolas de Bailliencourt, Pierre Lurton, José Vouillamoz

Discours du Grand Chancelier Monsieur Nicolas de Bailliencourt dit Courcol

Docteur et cher Monsieur,

Les membres de notre Académie ont fait votre connaissance à l’occasion de votre passionnante conférence sur l’ampélographie : « Histoire et futur des cépages ». Elle avait été organisée par l’Académie, à l’Institut des Sciences de la vigne et du vin, en février 2015, à l’instigation du professeur Denis Dubourdieu qui vous avait accueilli dans cet institut qu’il a créé et qu’il a dirigé jusqu’à son récent décès… Avant d’aller plus loin je voudrais saisir cette occasion pour saluer avec émotion sa mémoire. Denis Dubourdieu, docteur en œnologie et célèbre vigneron vient de nous quitter dans la force de l’âge. Il a contribué, dans la ligne d’Emile Peynaud et de Pascal Ribéreau-Gayon, au rayonnement mondial de l’œnologie bordelaise. Il préférait a-t-on dit « les vins sensibles et poétiques aux vins d’orgueil faits pour flatter l’ego de leurs producteurs ». J’avais pu apprécier son humour, son charme et naturellement ses dons pédagogiques lors de ses cours d’œnologie à la Faculté de Bordeaux 2. La mort de cet Académicien du Vin de Bordeaux laisse un grand vide mais un souvenir précieux dans nos mémoires.

Pour en revenir à cette conférence que vous aviez faite en 2015 vous nous aviez appris l’importance des cépages fondateurs et démontré que grâce à l’acide désoxyribonucléique ADN on fait aujourd’hui des découvertes sensationnelles sur l’origine des cépages : le pinot et le gouais blanc, croisés plusieurs fois au cours des siècles, nous ont donné le chardonnay ou le gamay, ou encore on apprend que l’origine du cabernet franc provient, contre toute idée reçue, du Pays Basque ; ou encore que le merlot est issu d’un croisement entre le cabernet franc et la Magdeleine noire des Charentes ; que le cabernet sauvignon –sauvignon vient de « sauvage »- cépage le plus planté sur la planète, est un croisement naturel spontané entre le cabernet franc et le sauvignon blanc.

Nicolas de Bailliencourt, José Vouillamoz

Je ne vais pas multiplier les exemples… notre auditoire va comprendre pourquoi quand j’aurai précisé que « on », c’est vous bien sûr, cher docteur, spécialisé dans la classification moléculaire des plantes… qui, -avec la collaboration de la journaliste Académicienne du Vin de Bordeaux, Jancis Robinson- et de son assistante Julia Harding, êtes à l’origine de « Wine Grapes ». Cet ouvrage de 1280 pages – ce qui confirme qu’il y a matière à disserter pendant des heures sur la généalogie de la vigne- représente 3,7kg de savoir ampélographique consacré aux 1368 principaux cépages que vous avez sélectionnés et étudiés. Cette bible est aujourd’hui « La » référence internationale en matière d’ampélographie.
Je crois que « Wine Grapes » n’est pas traduit en français, à ce jour, et j’espère que cela fera partie de vos projets : peut-être que notre Académie, le CIVB, la Fédération des Grands Vins de Bordeaux, en fait tous les organismes viti-vinicoles de France, associés, pourraient se lancer dans l’aventure…
Ayant cité brièvement « Wine Grapes » je voudrais simplement rappeler votre cursus universitaire : Université de Lausanne, Université de Davis, en Californie ; souligner l’éclectisme de vos recherches, très pointues et précieuses par leurs applications pratiques.

Inutile également de s’étendre sur le fait que, grâce à vos recherches, vous connaissez parfaitement la Turquie, l’Arménie, la Géorgie, berceaux de la vigne et du vin.

J’ajouterai simplement que, le Suisse que vous êtes, est né au milieu des vignes, au pied du bourg médiéval de Saillon. Suisse vous êtes, Suisse vous restez, en gardant des racines profondément implantées dans votre Valais natal.
Vos travaux n’ont pas été limités à la vigne. Vous êtes revenu à la botanique et à vos terres valaisannes notamment dans le cadre de recherches sur les plantes aromatiques et médicinales. Vos recherches concernent aujourd’hui les nouvelles espèces à domestiquer destinées aux industries pharmacologiques, cosmétiques ou alimentaires.
Tout cela fait de vous, après l’Académie Internationale du Vin, un Académicien du Vin de Bordeaux dont le savoir va enrichir les quelques 40 Académiciens que compte notre institution : architecte, écrivains, poète, musiciens, journalistes, œnologues, vignerons… Tous vous accueillent aujourd’hui avec grand plaisir et fierté. J’y joins mes meilleurs vœux de bienvenue en espérant que vous viendrez nous voir souvent car la Suisse est vraiment toute proche de Bordeaux tant par la géographie que par le cœur.

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Nicolas de Bailliencourt, Pierre Lurton

Cher Pierre,
Lorsque les membres du Conseil de l’Académie ont voulu chercher dans le monde viti-vinicole un académicien nous sommes unanimement tombés d’accord sur ton nom en nous demandant pourquoi diable n’y avions-nous pas pensé plus tôt. Quelle injustice ! « Pire qu’un crime, une faute » aurait dit Talleyrand.
C’est que, tout d’abord, depuis bien des années tu reçois l’Académie avec beaucoup de gentillesse et de simplicité au Château d’Yquem – l’Académie et ses invités des Vendanges de Malagar- . Nous profitons ainsi de ce splendide vignoble que tu présides et qui fait la gloire de Bordeaux depuis… presque toujours. Certains avancent même que les vins d’Yquem ont un parfum d’éternité.
Ce n’est pas la « reconnaissance du ventre » qui parle par ma bouche, ce serait par trop médiocre. C’est la reconnaissance de ton rôle éminent en bordelais au service d’Yquem et de Cheval-Blanc. Un duo de vignobles que personne n’a jamais imaginé gérer, même dans ses rêves les plus fous, rêve que pourtant toi tu as pu réaliser.
Cet état de fait n’est pas purement et simplement tombé du ciel sur tes épaules ; Il est dû à tes qualités. Tu es un marin, pas d’eau douce, mais un marin d’eau salée, depuis ta prime jeunesse, à la barre de ton vieux gréement, parfois sur des mers agitées. Cette pratique de la voile, cet art de la navigation t’ont appris à mettre à la cape si nécessaire en cas de tempête ou à étaler le danger en courant vent arrière, tout en faisant bien gaffe aux empannages. Ils peuvent s’avérer mortels si on reste en position debout sur le pont ! Peut-être cela te mènera-t-il jusqu’à la Coupe de l’America, « ton Graal » dis-tu, un trophée qui ferait rudement bien chez LVMH.

C’est surtout à Saint-Emilion que tu as appris la diplomatie, la patience, le courage de la franchise en gérant le délicieux Clos Fourtet, propriété de plusieurs Lurton : ton père, Dominique et tes oncles : et comme chacun sait : un Lurton ça va, trois Lurton bonjour les dégâts !
Et puis, dans le même ordre d’idée, c’est également à Saint-Emilion que tu as appris à apprivoiser avec tact les trois grâces qui présidaient alors aux destinées du Château Cheval-Blanc. Ces déesses de l’Olympe ont été peintes par Rubens, Cranach, Raphaël, Botticelli et sculptées par Canova ou Maillol ; d’ailleurs elles sont toujours sur la place de la Bourse à Bordeaux. Mais elles ne sont plus à Cheval-Blanc car elles n’ont pas su ou pu tourner leurs regards vers le même horizon. C’est un nouveau Jupiter, associé à Bacchus, qui règne aujourd’hui sur cet olympe saint-émilionnais.
A ces qualités de marin et de fin gestionnaire tu joins celles de bon cavalier : endurance, élégance, équilibre ; il faut avoir une bonne assiette. C’est sans doute utile pour défendre les couleurs du très argentin « Cheval des Andes » autre vignoble sous ta responsabilité. Eh oui, il paraît qu’ils font aussi du vin là-bas… Est-ce le début d’une écurie de course LVMH ?

Enfin, à côté de toutes ces grandeurs tu as ton petit pré carré, je dis « petit » mais cela n’a rien de péjoratif quand il s’agit du vignoble du château Marjosse, recréé et développé par tes soins amoureux, qui indiquent bien ton savoir-faire et ta passion pour les vignes et les vins de Bordeaux.

Pour compléter ce tableau -à propos de tableau tu as aussi permis à l’Académie de retrouver la grande toile de Mac-Avoy, représentant ses créateurs, jusque-là en pénitence dans quelque grenier et qui trône aujourd’hui dans nos locaux, cours du 30-Juillet- Pour compléter ce tableau tu t’es ménagé une porte de sortie diplomatique à Monte-Carlo puisque tu es Consul Honoraire de la Principauté de Monaco, où nos vins font fureur et merveille.
Voilà, cher Pierre, désormais tu es aussi Académicien du Vin de Bordeaux. Cela nous honore et nous fait grand plaisir. Bienvenue parmi nous.

A l'occasion des 18e Vendanges de Malagar et des 30 ans du Centre François Mauriac