Château d’Yquem 1959
Blanc liquoreux, Sauternes, 1959
Commenté par Michel Garat, Château Beauregard à Pomerol
Longtemps lié à la famille de Lur Saluces qui présida à l’élaboration de ce merveilleux millésime, Yquem est aujourd’hui présidé et dirigé par Pierre Lurton au nom du groupe LVMH : il assure la poursuite de la légende d’Yquem, dans le respect de la tradition qui n’exclut pas une ouverture à la modernité. Merci Pierre de nous offrir ce soir le privilège mais surtout le plaisir de la dégustation d’un tel vin.
Je ne voudrais pas rompre le charme de cette dégustation en réduisant ce vin enchanteur à une description trop technique : je ne m’étendrai donc pas sur ces 100ha de vigne plantés autour du château dans une mosaïque de terroirs qui fait la force de ce cru. Pas plus que je ne vous parlerai des 80% de sémillon et 20% de sauvignon qui composent l’encépagement. Amateurs de grands vins vous connaissez tous le véritable auteur de Sauternes : le botrytis cinerea que chaque vigneron côtoie et cultive avec des fortunes diverses selon les années.
Revenons donc à ce millésime 1959, nous avons là un vin exceptionnel dans un millésime qui ne l’est pas moins. Pour ceux d’entre vous qui l’auraient oublié les vendanges ont été en 1959 particulièrement précoces : précocité et rapidité, apanage des grandes années, ont été les maîtres mot de ce millésime spectaculaire : débutées le 19 septembre les vendanges se sont achevées le 16 octobre, après seulement 4 tries. Des épisodes pluvieux idéalement répartis ont permis un bon développement de la pourriture noble.
Quand on goûte des vins de 50ans on fait inévitablement un retour dans l’histoire et la dégustation s’accompagne de souvenirs réels ou rapportés : entrée en fonction du général de Gaulle, entrée en vigueur du marché commun, et déjà…un plan de redressement économique (mm Pinay et Rueff).
Venons-en au vin lui-même, sans trop chercher à le disséquer mais plutôt en l’appréciant dans sa globalité, son équilibre et son harmonie. Ambrée, la robe a la couleur de ses arômes intenses : amande, muscade, et même cannelle. Pain grillé, orange confite sont aussi présents dans ce bouquet profond. Des notes de café (torréfaction) sont également perceptibles. Malgré sa puissance et sa richesse, il reste harmonieux et plein de promesse. Suave et généreux, sa persistance au palais semble sans fin. Il supporte bien la mangue, mais demeure avant tout en sublime dessert à lui seul. Si le terme n’était pas galvaudé, on parlerait volontiers de Nectar, vin des dieux qui nous fait approcher le vin absolu, la quintessence des vins de Sauternes.
Je terminerai en levant mon verre aux convives quinquagénaires auxquels je souhaite de garder, comme ce vin leur éternelle jeunesse.