04/02/2004

Château Carbonnieux 2001

Blanc sec, Pessac - Leognan, 2001

Commenté par M. Jean-Pierre Rousseau

Un pic, un cap, une péninsule… Cyrano s’enorgueillit des dimensions formidables de son nez. Quoiqu’il s’allonge aussi énormément que la jactance de son porteur, celui-ci, ô scandale, ne se vante d’aucun odorat ; bien qu’elle fanfaronne aussi volumineusement, sa bouche cause mais ne s’arroge pas de goût (Michel Serres)

Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux de prendre la parole ce soir, car je voue une admiration toute particulière à notre invité. Je garde un souvenir spécialement ému de sa série sur l’astronomie, diffusée à une heure de grande écoute par la télévision publique il y a une douzaine d’années, autant dire à l’époque préhistorique. Arriver à rendre aussi passionnant qu’un excellent feuilleton la vie et l’oeuvre de savants tels que le très méconnu Tycho Brahe, fondateur de l’observatoire de Copenhague, est loin d’être évident.
Michel Serres, fort de son regard perçant, de sa pointe d’accent du Sud-Ouest et surtout d’une intelligence qui rend accessible des notions les plus ardues parvient à concilier complexité et lisibilité. Sans doute parce qu’il nous donne des pistes de réflexion stimulantes, loin du prêt à penser des médias.
Il est tentant de rapprocher de ses écrits l’histoire la plus emblématique de Carbonnieux. Michel Serres s’étonnait dans un article récent de ce paradoxe : d’une part, nous vivons de plus en plus vieux, d’autre part nous sommes bombardés de mises en garde alarmistes vis-à-vis de ce que nous consommons.
Donc à notre époque de traçabilité, impossible de faire passer un vin blanc, même ce 2001 au jaune très pâle, pour de l’eau minérale. Les moines bénédictins, et leur cellérier Dom Tapia, auraient sans doute été embastillés en vertu du principe de précaution.
Pourtant, les moines sont gens de goût, ils ont choisi Carbonnieux pour de bonnes raisons. D’abord un superbe terroir de graves, apte à produire de grands vins rouges ou blancs. Ensuite, un château inoubliable, puissant sans être ostentatoire, dans la partie ancienne date du XIIIe siècle.
Ils auraient sûrement apprécié le travail de bénédictin d’Antony Perrin, qui a réussi à en porter la superficie à 90 ha, également répartis entre rouge et blanc. 65 % de sauvignon et 35 % de sémillon se complètent dans ce 2001, très beau millésime de blancs au nez de pamplemousse et de pêche blanche, à la bouche vive et suave à la fois. L’assemblage fut délicat, basé sur près de quarante lots différents, pour aboutir à ce modèle d’équilibre.
Équilibre, peut-être le maître mot pour qualifier la famille Perrin, dans le nom est attaché à Carbonnieux depuis 1956. Une subtile combinaison de modestie, qui pourrait passer pour timidité, du charme de la solidité du gentleman farmer, telle est la marque Perrin, transmise de père en fils depuis trois générations.
Et, comme ses propriétaires, un vin délicieux, que l’on a plaisir à retrouver. On le reconnaît dans les restaurants du monde entier, grâce à sa coquille emblématique, et on le boit pour sa régularité et son prix agréable. En bref, une marque à lui seul, portant haut l’étendard de Pessac Léognan

Château Carbonnieux