Château Cheval Blanc 1985
Rouge, Saint-Emilion, 1985
Commenté par Monsieur Jean-Marie Chadronnier
C’est évidemment un grand honneur que d’avoir à commenter ce Cheval-Blanc 1985. Je commencerai par une citation et je finirai par une petite lecture.
La citation est en hommage à Pierre Lurton et au Professeur Emile Peynaud qui a écrit que « les grands vins existent malgré l’intervention des hommes ». Je sais que Pierre l’aime bien.
Pourquoi suis-je là pour commenter ce Cheval Blanc 1985 ? Il y a dans l’assistance bien des compétences supérieures à la mienne ! Probablement bien renseignée, l’Académie a dû savoir que je ne mangeais pas de fromage. C’est une relation un peu complexe entre le fromage et moi. Je ne l’aime pas, mais en réalité c’est également le plat que j’attends avec le plus d’impatience dans un repas, car en général, il est accompagné par le plus grand vin.
C’est la raison pour laquelle nous avons avec le fromage ce Cheval-Blanc 1985.
1985 est une année de records. En janvier, un grand froid, -15 degrés à Bordeaux. Les nouveaux arrivants n’imaginaient pas que cela pouvait exister, ceux qui connaissent la région savaient que cela s’était produit en 1956. Nous avons eu très peur mais finalement il y a eu plus de peur que de mal parce que la vigne n’a pas vraiment souffert.
Deuxième événement en 1985, celui des mois de septembre et octobre, records de chaleurs supérieures à celles de 1961 et de 1982 et plus tard de 1989.
Et enfin le dernier record, celui de la production. Ce fût une récolte extrêmement abondante.
Toutes les conditions ont été réunies en 1985 pour faire à Bordeaux, une belle et très bonne récolte. Les vins de 1985 sont d’ailleurs décrits souvent comme des vins classiques et modernes. Classiques par leur race, leur finesse. Modernes par leur amabilité, leur caractère très abordable. On les décrit comme racés, fins, élégants, charmeurs, séduisants.
En ce qui concerne Cheval-Blanc, évidemment, toutes ces qualités existent en superlatif. Il y a en plus une caractéristique toute particulière au Cheval-Blanc 1985, c’est que bien que Cheval-Blanc soit dominé par le Cabernet franc, 1985 n’est pas une année où le cabernet franc domine. 1985 est une année où le merlot s’est exprimé mieux que d’habitude, c’est une année très précoce avec beaucoup de maturité. Je ne m’attarderai pas d’avantage sur les commentaires du Cheval-Blanc 1985. Je pense que je préfère les remplacer par un silence respectueux et admiratif.
Pour terminer, je voudrais vous lire un tout petit texte qui rebondit sur ce qui a été dit tout à l’heure pendant l’exposé.
« Les vins de Bordeaux doivent à leur richesse moyenne en alcool, à une dose notable de tanins, à une faible acidité, à leur extrait souvent ferrugineux et phosphaté, d’être plus ou moins toniques et reconstituants, sans être excitants ni fatigants pour l’estomac. Ce sont ces vins qui sont bienfaisants qui ont été nommés le lait des vieillards et dont tant de poètes ont pu chanter à juste titre les louanges ».
Ce texte est du docteur Richet publié dans l’encyclopédie d’hygiène à Paris en 1890 et rapporté, c’est cela le plus amusant, par un petit fascicule qui s’appelle « les vins de Bordeaux » publié par l’Union de la Propriété et du Commerce pour la défense du vin de Bordeaux en 1925.
Gloire au vin de Bordeaux, à l’Académie et à Cheval-Blanc !