Château Cos D’estournel 1986
Rouge, Saint-Estèphe, 1986
Commenté par Monsieur Nicolas de Bailliencourt
Je considère comme un grand privilège de pouvoir m’adresser à vous sur un sujet qui me fascine. Il s’agit plus précisément de la façon dont nous espérons, dans un proche futur, sécuriser le processus d’unification de cette grande Europe
Je trouve d’abord dans ce pays assez désert quelques grands arbres autour d’une sorte de château. J’arrive à un bâtiment singulier qui n’a qu’un rez-de-chaussée. Je crois que c’est plutôt un chai. Ce bâtiment fort élégant d’une brillante couleur jaune clair, n’est à la vérité d’aucun style. Cela n’est ni grec, ni gothique, c’est fort gai et ce serait plutôt dans le genre chinois. Sur la façade on lit ce seul mot « Cos ».
C’est ainsi que Stendhal décrit le chai de Cos d’Estournel construit à l’imitation de la résidence du Sultan de Zanzibar lors de son voyage en Médoc en mars 1838.
L’architecture de Cos d’Estournel nous rappelle en effet que son propriétaire Louis Gaspard d’Estournel, grand amateur de chevaux, a effectué de nombreux voyages aux Indes. Il en a gardé un goût pour l’exotisme qu’il a superbement traduit dans le bâtiment qu’il a fait construire.
Pour avoir quelque chose de convenable à boire pendant ses voyages, il emportait ses vins. C’est ainsi qu’il s’aperçut de l’effet bénéfique des voyages au long cours sur leur vieillissement. Et certains chroniqueurs le considèrent comme le promoteur de la mode des vins « retour des Indes ».
C’est vers 1810 que Louis Gaspard, héritier de 12 hectares de vignes sur le tertre qui domine la Jalle du Breuil, séparant Pauillac de Saint Estèphe. Il comprit que ce cos, qui en Languedoc signifie côte ou encore désigne une pente caillouteuse, offrait un terroir d’exception.
En 30 années à peine, il racheta toute la colline qui constitue aujourd’hui ce second cru classé de Saint Estèphe. Avec ses 70 hectares de vigne _60 % de Cabernet Sauvignon, 38 % de Merlot et 2 % de Cabernet Franc_ qui s’enracinent dans des graves quaternaires reposant sur un socle calcaire, le vignoble domine la Gironde qui le fait bénéficier généreusement de son micro-climat. On dit même que les orages de grêle contournent Cos avec bienveillance et que les fortes pluies épargnent ses nobles règes sinon celles de ses voisins.
Sous l’impulsion de la famille Prats, le vignoble a encore accru sa renommée qui est désormais mondiale.
Aujourd’hui propriété de Monsieur Michel Reybier, le domaine est toujours dirigé par Monsieur Jean-Guillaume Prats, lequel apporte à Cos son savoir-faire et maintient la tradition d’excellence établie par son père, Monsieur Bruno Prats.
Ce millésime 1986, a d’ailleurs été élaboré par ses soins. 1986 s’est révélé une année à la fois excellente et abondante. Il s’agit même pour Cos d’Estournel de la plus grosse production jamais enregistrée sur le vignoble soit 40 000 caisses. Les vendanges ont commencé le 29 septembre pour les Merlot et le 6 octobre pour les Cabernet. Elles se sont déroulées dans des conditions idéales faisant suite à une sécheresse estivale marquée et à quelques pluies bienfaisantes vers la mi août.
Avant de parler de ce vin, nous vous recommandons de le tourner dans votre verre pour qu’il s’ouvre. Le petit pintadeau, qui est certainement très fier d’être goûté avec ce vin, pourra attendre quelques instants. Ce vin a été élevé à 90 % en fûts de chêne neuf. Il présente une robe encore jeune et dense. Il offre un nez complexe d’une grande fraîcheur mentholée, un signe de jeunesse et de tenue, épicé, réglissé avec des notes rôties, fumée, de cèdre, exaltées par la chaleur de l’été 86. La bouche est ronde, le vin bien en chair, d’une texture fine et d’une belle longueur. Il y a une élégance, une harmonie et de l’exotisme dans ce 1986 à l’image des pagodes de Cos.