Château Coutet 2009
Blanc liquoreux, Sauternes-Barsac, 2009
Commenté par Florence Cathiard, Vice-Chancelier, copropriétaire de Château Smith Haut Lafitte
DINER-CONFERENCE AU CHATEAU OLIVIER
Pour en revenir à ce Sauternes, effectivement, on peut le voir de deux façons. Je crois qu’on peut le voir, pour reprendre le titre d’un livre de Michel Maffesoli, « Par la raison et par le sensible »
Si je suis « Par la raison », Château Coutet, c’est un magnifique château, de quarante hectares, premier cru classé en 1855, qui est un Barsac. Et cela est très intéressant, parce que Coutet, cela veut dire tranchant, en vieux français. Donc, cela veut dire déjà qu’en 2009, qui est un millésime riche, on y reviendra, il a quand même ce côté tendu. On retrouve encore la tension chère à Michel. C’est un oxymore, si je puis dire, puisqu’il a cette opulence du 2009, mais cette belle tension d’un Barsac, qui est souvent plus minérale que d’autres.
Je suis maintenant copropriétaire, avec mon mari, d’un Sauternes, et j’ai compris ce que c’était. C’était à la fois très émouvant et un peu désespérant parce que je suis allée assister à mes premières vendanges en Sauternes. Bon, je savais que c’était neuf hectolitres par hectare, mais cela paraît un peu abstrait. Par contre, quand on voit les vendangeurs, quand on voit le peu qu’ils ramassent, c’est vraiment du grain par grain.
Vous avez tous entendu parler du botrytis, cette fameuse pourriture noble qui naît dans la rivière froide du Ciron, qui rencontre la rivière Garonne qui est plus chaude, et qui malheureusement en ce moment est embarquée dans un combat contre le progrès. Le progrès humain qui veut tracer des LGV. Est-ce que la brume magique résistera ? Nul ne le sait. Donc, il y a des oppositions viticultrices que l’on comprend évidemment.
Mais toujours est-il qu’il y a ce botrytis magnifique, mais derrière, il y a l’humain. Et l’humain, quand on le voit ramasser grain par grain, et arriver avec des cagettes où il n’y a rien dedans pratiquement, on se dit « Oh la la » On pense à la fois au prix de revient du Sauternes et à la fois à l’élixir qu’on va avoir dans le verre, puisqu’on le sait, un cep égal un verre.
Dans les rouges, ou même dans les graves blancs, on essaye de faire presque une bouteille et Dieu sait que nous avons déjà des rendements faibles. Mais alors, là-bas, c’est un sacerdoce.
Donc, c’est plus qu’un vin, c’est un petit miracle annuel que ces vendanges. Quand le Marquis de Lur-Saluces a raté ses vendanges et qu’il s’est aperçu qu’il avait, ce qu’il a appelé au début un « vinaigre » puis « un vinaigre merveilleux » et ensuite le « roi des vins », le fabuleux Yquem, on s’est aperçu finalement que tous ces Sauternes et ces Barsac étaient une « extravagance renouvelée » qui nous remplit de bonheur.
Pour vous parler de la famille Baly, on peut dire qu’ils méritent de faire un Sauternes. Ce sont quand même deux entrepreneurs alsaciens, et une spécialiste bilingue du marketing, Aline, avec son oncle et son père, qui ont pris Coutet. Et cela fait presque quarante ans qu’ils sont à Coutet. C’est une belle histoire familiale dans ce très beau château. Ils ont le chai le plus long du Sauternais. Leur chai fait, je crois, 110 mètres de long.
Thomas Jefferson a dit, à son époque, qu’il était le meilleur Barsac. Et par un jeu d’alliance, ce château est allé aux Lur-Saluces après la Révolution. Ensuite, ce sont les Grands Crus de France, le négoce s’est emparé du château. Puis, à nouveau, il a été aux mains de propriétaires familiaux, les Baly.
Je crois que ce vin est vraiment la quintessence d’un beau Sauternes, parce qu’en 2009 – comme je l’ai dit tout à l’heure – année fort chaude, ils ont su éviter les pièges de la sur-opulence. Et alors, je ne vous décrirai pas le nez, parce que c’est tellement riche. On sait qu’il y a différents niveaux d’arômes, tous plus beaux les uns que les autres, qu’il n’y a pas de creux en milieu de bouche. C’est un vin qui est à la fois très opulent et très frais.
Je sais que quand je bois un Sauternes, je prends peu de desserts, parce que c’est vraiment un vin absolu. Et heureusement, on arrive à l’époque de Noël, et à Noël, les gens vont boire du Sauternes. Alors, cela nous fait chaud au cœur parce que le reste du temps, ce n’est pas courant de le trouver sur les tables.
Et il faut qu’on le trouve de plus en plus. Et je crois que nous avons des «influenceurs-ambassadeurs» d’un grand vin.
Merci.