Château De Fargues 1999
Blanc liquoreux, Sauternes, 1999
Commenté par Professeur Jean-Pierre Poussou
Monsieur le président,
Mesdames, messieurs,
Nous arrivons à la fin de cette magnifique et si agréable rencontre organisée en ce 8 octobre 2009 par l’Académie du vin de Bordeaux. Nous ne sommes que reconnaissance pour l’accueil, en ce très attachant château Olivier,de monsieur et madame de Bethmann. Et voici que, pour couronner le tout, s’avance un des joyaux du Sauternais, un Fargues 1999, d’un jaune doré brillant.
Il est le fruit d’un des plus anciens domaines viticoles du Bordelais car Fargues,c’est aussi un très grand château seigneurial, sans doute bâti par le cardinal Raymond Guilhem, un de ceux qui se sont enrichis par l’accession au trône pontifical de leur parent Clément V (1305-1314),autrement dit Bertrand de Goth, qui était justement archevêque de Bordeaux. Il fait partie de ces puissantes forteresses de la première moitié du XIV° siècle, d’une grande parenté avec Budos, Roquetaillade, Villandraut, où était né le pape, mais aussi toute une série de châteaux gersois. Dans l’Aquitaine et la Gascogne tout entières, mais aussi autour de Paris (par exemple Monthléry ) s’élevaient de grands châteaux. Ici, l’enceinte entoure un espace de 37 mètres sur 28, avec trois corps de bâtiments autour d’une cour et un donjon carré. Fargues fut remanié au XVII° siècle, les étages étant percés de grandes fenêtres et munis de cheminées monumentales, ce qui correspondait à l’éclat de la famille le possédant, dont c’était l’implantation première en Sauternais. Mais il y eut l’incendie de 1687,qui amena son quasi-abandon. Ce sont donc les grands communs fortifiés, précédés d’une belle porte à refends, édifiés en avant de la façade principale, qui servent de logis depuis.
Il entra chez les de Lur en 1472 lorsque Pierre épousa Isabelle de Montferrand. Cette famille, sans doute originaire du Limousin, fut au XVI° siècle en pleine ascension, ce que marqua en 1586 l’union de Jean de Lur avec Catherine-Charlotte de Saluces. C’est au XVIII° siècle que les Lur-Saluces devinrent les grands propriétaires du Sauternais puisqu’en 1702 Eutrope-A lexandre épousa Jeanne de Malle et qu’en 1785 Louis-Amédée s’unit à Joséphine de Sauvage d’Yquem. Il est impressionnant de voir une carte du Sauternais à la veille de la Révolution française, les Lur-Saluces tenant, dans la partie sud-est de celui-ci, trois domaines viticoles de première importance, dont deux châteaux exceptionnels.
Les vins que nous leur devons, n’ont cessé de l’être depuis le tout début du XVII° siècle comme vient de nous l’apprendre Stéphanie Lachaud, dont tous ceux qui sont réunis ce soir attendent désormais avec impatience de lire la thèse de doctorat qu’elle est en train d’achever.
Tel est bien le cas de ce Fargues 1999.Il a été produit sur un domaine de 15 hectares, dont 80 % en Sémillon et 20 % en Sauvignon. Ses croupes graveleuses bien égouttées et la botytrisation lui permettent de donner toutes ses possibilités pendant les premières trois années de sa conservation dans des barriques de chêne merrain. Mais il ne trouve en général ses qualités majeures qu’autour d’une dizaine d’années, ce qui est bien le cas aujourd’hui.
L’année 1999 a été marquée par un hiver peu rigoureux mais aussi par un mois de juillet caniculaire et un mois d’août orageux à ses débuts. La chaleur qui suivit permit une maturité rapide du raisin avec une vendange qui se fit pour les deux tiers en septembre, même si la queue n’en fut réalisée que le 21 octobre.
Le résultat, c’est donc ce liquide doré qui brille à la lumière. Vif en bouche dès le départ, il étonne aussitôt par son équilibre, avec des saveurs de fruits frais et de citron confit, présent dès le début, et qui ne disparaît pas, ce qui lui donne une fraîcheur qui correspond parfaitement aux tartes fines aux fruits ou, comme ce soir, à un gratin de figues, celles-ci permettant, en bouche, de retrouver toutes ces senteurs, sans oublier qu’un foie gras, un roquefort ou complet, comparable aux plus grands…aux millésimes absolument remarquables »,comme vient de le souligner l’ouvrage Bordeaux liquoreux ,coédité par la Revue du Vin de France et le Figaro Magazine(décembre 2008).
Sa perfection nous ravit, comme toujours lorsqu’Alexandre de Lur-Saluces nous permet d’apprécier ses grands vins. C’est pourquoi, ce soir, je pense à ce très beau film Le maître de musique, notre ami étant lui Le maître des vins liquoreux du Sauternais, c’est-à-dire- des meilleurs.