Château d’Yquem 1950
Blanc liquoreux, Sauternes, 1950
Commenté par Pr. Denis Dubourdieu, Château Doisy-Daëne
C’est toujours un bonheur parfait de déguster un grand Yquem à Yquem et spécialement à l’occasion de cette merveilleuse soirée de l’Académie du Vin de Bordeaux qui réunit, chaque début septembre, en ce lieu magique, les heureux habitués, les afficionados, des vendanges de Malagar.
Notre félicité touche à l’extase lorsqu’il s’agit d’un vieux et grand millésime. Merci, mon cher Pierre, de nous offrir ce merveilleux Yquem 1950, œuvre de nature et de culture, somptueuse beauté liquide réalisée par nos prédécesseurs, « les autres », il y a 64 ans et dont nos sens autant que notre esprit se délectent aujourd’hui. En l’occurrence, « ces autres » là étaient très forts. Faisons-nous mieux aujourd’hui? Peut-être, nous l’espérons mais ce n’est pas certain. D’ailleurs, en dehors des œuvres d’art et des grandes découvertes de la science, que reste-t-il aujourd’hui de ce que les hommes ont fait ou dit en 1950 qui puisse être comparable à ce que nous avons dans nos verres ?
J’ai lu les notes du château Yquem rappelant les conditions climatiques de 1950 et le déroulement des vendanges. J’ai également interrogé aujourd’hui même un témoin et acteur de cette époque, mon père, Pierre, 91 ans qui vinifia ce millésime chez lui à Doisy-Daëne à l’âge de 27 ans.
Le rapport d’Yquem et les souvenirs de Pierre Dubourdieu, se recoupent ; 1950 fut une grande et généreuse année. Chaleur précoce dès le mois de mai, des orages en juin puis un été chaud et extrêmement sec. Quelques pluies début septembre puis retour du beau temps chaud et lumineux avec juste l’humidité matinale suffisante pour déclencher le développement de la pourriture noble. Les vendanges s’étalèrent du 20 septembre au 25 octobre. On récolta en grande quantité des raisins d’une richesse exceptionnelle. Le degré moyen final est de 21° et 358 barriques d’Yquem furent mises en bouteilles.
Cette grande année clôt la fameuse série des millésimes solaires 1943, 45, 47 et 49.
Evidemment on ne peut s’empêcher, quand on déguste une de ces années mythiques de citer encore François Mauriac « Les étés d’autrefois brûlent dans les bouteilles d’Yquem ». Ces étés de feu, au sens propre du terme, qui provoquèrent de si terribles incendies dans la forêt landaise toute proche.
Que dire de plus de ce vin aujourd’hui sans le banaliser par une description réductrice.
Acajou flamboyant de la robe. Fulgurance des arômes d’oranges confites, d’abricot frais, de sarment brûlé, et, teintée d’une délicate amertume, cette incomparable fraîcheur en bouche, balançant une rare puissance savoureuse, atténuant la liqueur, transformant la concentration en légèreté. Nous sommes suspendus dans un état d’apesanteur, étourdis par ce baiser parfumé dont on voudrait qu’il ne s’achève jamais et … les mots en deviennent superflus.