09/09/2011

Château d’Yquem 1975

Blanc liquoreux, Sauternes, 1975

Commenté par Jean-Guillaume Prats

Quand on boit Yquem, plusieurs éléments viennent à l’esprit. D’abord, c’est un privilège d’en avoir dans son verre. Cest pour les professionnels, le vin le plus difficile, le plus abouti, le plus compliqué à produire.
Yquem, c’est la parfaite définition du terroir qui est la combinaison d’un climat tout à fait unique, du Cérons qui apporte ce brouillard le matin et cette pourriture grise que l’on voit apparaître à partir de la mi-septembre.
C’est également un terroir avec ses sols si particuliers et cette orientation sur la Garonne.
Et, un élément tout aussi fondamental : l’Homme. La main de l’Homme a tendance à être oubliée dans la définition de terroir. Cette sélection de grains nobles qui est faite lorsque le botrytis cinerea touche les grappes et les concentre. C’est un vin qui est le travail de la sélection de l’œil, de la précision et de la prise de risque optimum.
La première chose, lorsque vous buvez Yquem, est de dire que c’est un grand privilège.
La deuxième chose est l’abnégation des Hommes, les Lur-Saluces, qui, durant des générations, ont su mettre toutes leur passion, leur conviction, leur enthousiasme derrière cette bouteille tout à fait exceptionnelle.
Aujourd’hui, le fait qu’une grande maison française comme Moët Hennessy participe à la poursuite de ce souci d’excellence du détail de haute couture, est aussi un témoignage de cette passion des Hommes.
Troisièmement, Yquem est un mythe.
On voit le classement de Saint-Emilion être attaqué et remis en cause. On voit le classement des crus bourgeois du Médoc qui souffre. Seul le classement de 1855 perdure. Il est gravé dans le marbre. C’est un titre aristocratique tout à fait mérité. Yquem est le seul de ces premiers crus supérieurs. Je puis vous assurer – nos métiers dans le vin nous amènent à beaucoup voyager – que lorsque l’on est du côté de la mer de Chine, il y a quelques nouveaux amateurs avertis qui se mettent à genoux devant ces bouteilles. C’est je crois, la parfaite définition du «mythe».
Enfin, Yquem est une référence. On parle aujourd’hui, dans l’œnologie et la viticulture modernes, d’investissements. Certains, dans le Nord Médoc, parlent de vinification par gravité, avec ces idées saugrenues de placer des cuves sur des ascenseurs pour éviter d’utiliser des pompes. Je ne suis pas sûr que cela marche. Apparemment, certains y croient.
Yquem, c’est l’inverse. C’est la pérennité, la magie, l’intemporalité, et néanmoins une grande pertinence œnologique, une capacité de recherche et de mise en cause exceptionnelles. C’est lui le point d’ancrage d’un grand vin avec cette notion de combinaison « Terroir/Homme/Climat ».
1975 fut un millésime pour les rouges un peu difficile mais remarquable pour les sauternes. Ce vin a une note d’agrume, un peu fumée et torréfiée avec quelques noix. En bouche, le palais est arrondi, onctueux, suave, un équilibre parfait et surtout, et encore plus ce soir alors qu’il fait chaud, ce vin est rafraîchissant. C’est là, la magie des grands vins de Sauternes et d’Yquem. Ce sont des vins sucrés, mais ce sont également des vins acides. J’en reviens à cette définition du mythe qui est « l’équilibre, l’harmonie et l’élégance ».
Enfin, je vais vous dévoiler un petit secret, puisque c’est le thème des vendanges de Malagar. Yquem produit chaque année le millésime du siècle, une fois tous les cinq ans le millésime du millénaire.
Quand ce n’est ni l’un, ni l’autre, il n’en produit pas.

C’est ce qu’est Yquem.