Château d’Yquem 1996
Blanc liquoreux, Sauternes, 1996
Commenté par Eloïse Heeter-Tari, Château Nairac
L’Homme et la Création
En pensant à cette soirée et au commentaire de vin, me venait avec insistance le thème de l’Homme et la Création.
Avec Michel Bernardaud, d’abord, à qui nous devons la présentation précédant le dîner, la manufacture Bernardaud étant, à mon sens, la maison la plus « créative » comme en témoignent les 150 ans célébrés en 2013 :
– des modèles d’une étonnante épure comme la collection « Bulle sable », savant travail d’émail, ou encore « Aboro », dessinée par Sarah Lavoine, inspirée par l’art aborigène, les éléments naturels comme l’eau, la terre, la végétation, et au cycle même de la vie
– des pièces décoratives confiées aux désigners les plus talentueux, à l’instar de « La treille » univers végétal poétique intensifié par les réflexions des miroirs par Andrea BRANZI, dont le Musée des Arts Décoratifs et du Design de Bordeaux célèbre actuellement 50 ans de création
– des savoir-faire historiques perpétués telles les pièces de l’Ancienne Manufacture Royale…
faisant fructifier tous les talents !
Château Cheval Blanc ensuite, où nous sommes accueillis ce soir, où le Baron Frère et Bernard Arnault ont doté, par les mains de l’architecte Christian de Portzamparc, ce terroir unique, véritable joyau, d’un chai moderne, lumineux, comme un oiseau ou une vague sur la colline, fondue dans le paysage de Saint-Emilion, classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO.
Si effectivement, la beauté repose, élève l’âme… Pierre Lurton, directeur du domaine mais également de Château d’Yquem, à vous présenter ce soir, et ses collaborateurs sont des hommes heureux.
« Rien ne se crée, tout se transforme » disait Pasteur. L’homme ne crée pas la matière ; à l’évidence pour le kaolin mais également pour le raisin.
Depuis la Génèse, l’Homme magnifie l’œuvre de la Création.
C’est absolument vrai pour l’histoire du Château d’Yquem, forteresse familiale, forgée au fil des siècles par les Lur Saluces, aidés par les intendants du domaine, avec l’anecdote célèbre sur la campagne militaire et l’avènement des vendanges issues de grains nobles, mais aussi les maîtres de chai, avec ici le dernier millésime de Monsieur Latrille…
Aujourd’hui dans la sphère du n°1 mondial du luxe, grâce à la ténacité et au caractère visionnaire d’un chef d’entreprise hors norme, le slogan « de la nature à l’œuvre »emprunté à une célèbre maison champenoise est le défi relevé chaque année par l’équipe d’Yquem : Sandrine Garbay, Pierre-Yves Augier, Francis Mayeur, Valérie Lailheugue et toutes les « petites-mains », sous la directive de notre hôte.
S’agissant du millésime 1996 de Château d’Yquem…
CONDITIONS CLIMATIQUES ET EVOLUTION DE LA VIGNE
Après un hiver doux et pluvieux, le cycle végétatif se déroule sans incident avec des conditions assez sèches au printemps et au début de l’été, sous des températures supérieures aux normales mais sans excès.
Le mois d’août est très orageux, permettant de rétablir l’équilibre hydrique.
VENDANGES 1996 AU CHATEAU D’YQUEM
Le mois de septembre permet une lente et complète maturation du raisin et laisse la récolte dans un état sanitaire parfait, indemne de toute pourriture précoce grâce aux faibles températures.
La pluie des dix derniers jours de septembre au 2 octobre permet une contamination très franche et très régulière d’une vendange à la peau durcie par la sécheresse et par le froid.
A partir du 3 octobre, la pluie s’arrête, les minimales rebaissent (6 jours à 5°C) mais les maximales repassent au delà de 25°C. Toutes les conditions sont réunies pour permettre une évolution » modèle » de la pourriture noble : contamination lente, concentration diurne et nuits fraîches bloquant les mauvaises évolutions du Botrytis cinerea.
Les véritables vendanges débutent avec 3 tries sélectives parfaites étalées entre le 3 et le 11 octobre., avec patience sur 3 semaines. Le temps toujours sec et frais permet une avancée très régulière du botrytis sans à coup.
Une dizaine de millimètres de pluie mi octobre, relancent idéalement la contamination qui s’essoufflait. Les deux semaines sèches qui suivent permettent d’enchaîner une quatrième, une cinquième, et un début de sixième trie.
Au soir du 24 octobre nous arrêtons les vendanges… même si une météo toujours clémente permet de donner le dernier coup de sécateur le 04 novembre !
Le vin en quelques mots
La robe dorée prélude un nez intense et d’une belle pureté. On retrouve pêle-mêle : abricot, figue, coing, mais également des notes d’agrumes très présentes (pamplemousse). Le côté floral et les nuances boisées (vanille, pain grillé) se sont estompées. L’ensemble donne une impression olfactive complexe.
En bouche, l’attaque est ronde et douce. Très rapidement le palais nous transmet des sensations d’ « aristocratie » et d’équilibre. C’est un vin modèle où rien ne déborde, rien n’agresse, et qui, pourtant, est très persistant, étayé par une heureuse acidité.
« A découvrir absolument » sur ces ravioles d’ananas à la saveur acidulée pour éveiller le palais
Ce vin « académique » au sens noble du terme représente très bien Yquem dans son ensemble. Il devrait rester un modèle de classicisme et d’élégance.
Enfin comme nous y invitait Michel Bernardaud avec un film divertissant sur l’importance de la vaisselle dans notre quotidien et notre imaginaire, ne cassez pas les assiettes, ni les bouteilles mais consommez ces grands vins, ouvrez-les, dégustez les !
Belle découverte à tous
Degré alcool: 13,9° – Sucres résiduels : 122 g/l – AT : 4,3 /L H2SO4