Château Gruaud-Larose 1989
Rouge, Saint-Julien, 1989
Commenté par Le Comte Gildas d’Ollone
L’Académie des Cinquante de Hollande. Dîner au Château Haut-Brion. …
C’est l’histoire de deux « gruaud », deux frères, un abbé et un magistrat qui créent un vignoble de 116 hectares en 1757 sur les plus belles croupes graveleuses du plateau de St Julien Beychevelle où l’on trouve 11 crus classés dont 5 grands seconds.
Ce « gruaud » de magistrat était un homme excentrique. Quand la récolte fournissait des vins solides, il faisait envoyer le drapeau anglais. Un drapeau allemand indiquait un vin souple et fin. Lorsque la qualité était intermédiaire entre ces deux styles, le drapeau hollandais était hissé.
A sa mort, c’est son gendre Joseph Sébastien de la Rose, lieutenant général de Sénéchaussée de Guyenne qui va accoler son nom à celui de son beau père et donner à ce cru une renommée considérable, d’où sa devise « Roi des vins, vin de Rois ».
D’ailleurs Jefferson cite Larose, sa cote étant en 1780 au même niveau que Rauzan et Léoville, juste après les premiers crus.
Le 21 décembre 1812, alors que les troupes napoléoniennes s’embourbaient dans la campagne neigeuse moscovite, Gruaud Larose est acheté par un consortium de trois amis : Pierre Balguérie, négociant bordelais, Jean-Auguste Sarget et David-Jean Verdonnet.
C’est une véritable salade de différents héritiers qui se succèdent. Après la mort de Verdonnet, Balguérie reprend ses parts. L’une de ses filles Marie-Henriette épouse Charles-Alexandre de Bethmann, l’autre fille Marie-Clémence convole en justes noces avec François-Edouard de Boisregard. Vous me suivez ?
Pour résumer, en 1855 au moment de la classification, Sarget reprend son indépendance en constituant le château Gruaud-Larose-Sarget et construit un château de style directoire trônant au milieu d’un jardin à la française. Les héritiers des deux filles recréent un domaine Gruaud Larose-Faure (une des petites filles Bethmann ayant épousé Adrien Faure).
Vous constaterez avec moi que les problèmes d’héritage médocains n’ont pas été de tout repos !
Avec les deux Pichon Longueville, les deux Rauzan, les trois Léoville, cela me paraît plus simple dans les autres appellations !
Je vais précipiter un peu l’histoire.
C’est à Désiré Cordier, entre 1917 et 1935 que l’on doit la réunification du domaine. C’est Fernand Ginestet qui le fait venir de Toul. En 1985, les Salins du Midi rachètent le négoce de Cordier et le château Gruaud Larose. En 1993, le groupe Alcatel Alsthom prend possession du domaine et y effectue de nombreux investissements. En 1997, le groupe Taillan fait l’acquisition de ce cru supervisé depuis longue date par Georges Pauli, infatigable et talentueux vinificateur.
Le vignoble de 82 ha par son encépagement Cabernet Sauvignon (57%), Merlot (30%), Cabernet Franc (7%), Petit Verdot (4%), Malbec (2%) et son sous-sol d’alios et de marnes calcaires produit des vins typés de longue garde.
Bernard Ginestet en esquisse le style à sa façon :
Par son côté viril, par sa puissance tannique, par sa féminité aux charmes subtils, Gruaud Larose est un androgyne à la beauté classique.
Ce millésime 1989 est issu d’une année chaude et précoce. Sa robe d’un rouge profond légèrement tuilée est éclatante de vivacité. Son nez, que dis-je ! son bouquet, exhale des flaveurs automnales de sous-bois et des parfums de petits fruits rouges légèrement sur-mûris. La suavité de sa bouche tapisse le palais de voluptueux tanins. Sa fraîcheur en fin de bouche apporte cet équilibre, cette finesse, cette complexité que seul un grand vin racé du Médoc peut traduire en immense plaisir.