31/03/2004

Château Guiraud 1989

Blanc liquoreux, Sauternes, 1989

Commenté par Comte Gildas d'Ollone

L’Académie du Vin de Bordeaux est heureuse de recevoir dans ce lieu prestigieux ceux qui viennent de tous les horizons pour évaluer la production viticole de l’année passée, pour la diffuser ensuite.

Cette fameuse pourriture noble qui a transcendé le destin du Sauternes en vins liquoreux, ce minuscule cryptogame s’est-il révélé au 16ème siècle dans la région ? au 18ème siècle lorsque Jefferson, futur président des Etats-Unis, commande au Lur Saluces quelques bouteilles d’Yquem ou s’est-il réveillé en 1847 lorsque le Marquis de Lur Saluces, retardé en Russie, exigea qu’on attende son retour pour commencer les vendanges ? Il n’y a pas à ce jour de véritable réponse.

Les ardeurs de ce merveilleux parasite élevé au rang de « pourriture noble » sont ravivées par les brumes matinales de l’automne qui s’échappent des fraîches entrailles du Ciron, petite rivière du Sauternais.

Par une étrange opération magique, il transperce la pellicule du raisin. L’eau s’évapore, la baie se dessèche, et le moût se concentre. Après un long élevage, un nectar doré, naît d’un subtile et complexe équilibre entre sucre, acidité et alcool.

Le Château Guiraud en produit chaque année dans son vignoble de 100 hectares, un des plus grands domaines de Sauternes situé à 45 Km au sud de Bordeaux. Ses croupes ondulantes recèlent une diversité étonnante de sols et de sous sols : graves sableuses et argileuses côtoyant en profondeur marnes calcaires et argiles rouges et blanches.

85 ha en appellation Sauternes accueillent 65 % de Sauvignon aux notes de fruits exotiques et 35 % de Sémillon aux saveurs abricotées. Ce pourcentage élevé de Sauvignon pour l’appellation est un des éléments de la personnalité des vins de Guiraud.

Une deuxième étiquette est produite : le « Dauphin » qui est issue d’une sélection drastique au moment de l’assemblage.

La maison noble du Bayle, premier nom du château Guiraud, était la possession de la famille Mons de Saint Poly. Pierre Guiraud, négociant bordelais l’achète en 1766. Le poids financier oblige ses héritiers à céder la propriété en 1846 à François Henri Nauté.

En 1855, château Guiraud fait partie des 11 premiers crus jugés dignes d’être classés. Je vous rappelle que cette hiérarchie comporte également 14 seconds crus et un premier cru supérieur : château d’Yquem.

En 1981, la famille Narby d’origine canadienne l’achète à Paul Rival. Grâce à la compétence de Xavier Planty nommé directeur du domaine, ce domaine retrouve les qualités qui ont fait de lui un premier cru classé en 1855.

Ce millésime 1989 très précoce et chaud, s’affirme comme une grande année, de longue garde. La robe de ce vin aux reflets ambrés illumine de ses reflets dorés ce « délice vanillé aux framboises ». Son nez exhale des notes florales de violette, des arômes complexes de pains d’épices, d’amandes, de figues fraîches, de mandarine, de noix de coco et d’abricots.

Vin puissant, ample, riche et onctueux, il emplit la bouche en révélant son charme et sa séduction. Sa persistance aromatique accompagne harmonieusement le parfum des framboises vanillées.

Je voudrais finir en vous rappelant que les Grands Sauternes ne sont pas que des vins de fête.
Ils accompagnent les plus grands mets et les plats les plus simples comme la lamproie, les cailles, l’esturgeon aux poivrons, le tournedos d’autruche, le poulet au miel ou à la sauce thaï. Ils se boivent à toute heure selon les goûts. Un vieux Sauternes sera un délice en guise de digestif. Pour les bons vivants, avoir une bonne bouteille prête à déguster à 10° et bien sur à partager. Quel plaisir !