Château Malartic-Lagraviere en magnums 2006
Blanc sec, Pessac - Leognan, 2006
Commenté par Madame Martine MOULIN-BOUDARD
Il m’a été demandé par l’Académie, de commenter ce Château Malartic Lagravière 2006. Vous allez peut-être imaginer qu’il y a là de ma part une très grande audace, à moins que ce ne soit de l’inconscience, ou de la folie, voire les trois à la fois, mais j’ai accepté cette tâche ô combien honorifique et cet exercice qui est pour moi tout aussi inhabituel que périlleux.
En préambule, je vais, dès lors, solliciter la plus extrême indulgence de la part d’un public aussi avisé que le vôtre.
Le Château Malartic Lagravière est un grand cru classé des Graves qui est la propriété de la famille Bonnie depuis 1996. Cru historique, il doit son nom au domaine de la Gravière qui est connu depuis des siècles comme l’une des plus anciennes et des plus belles croupes des Graves de Léognan.
Il présente la particularité d’être l’un des seuls six crus classés à la fois en blanc et en rouge. C’est une propriété de 53 hectares, dont 7 hectares de blanc, avec 20 % de sémillon et 80 % de sauvignon.
Je sais qu’il est d’usage d’évoquer les conditions climatiques ; je me suis donc renseignée sur celles de l’année 2006 qui a été particulièrement difficile, avec des fluctuations climatiques brutales : un hiver froid et sec, suivi par un printemps particulièrement chaud – jusqu’à 30 degrés – avant un été frais et des vendanges pluvieuses. 2006, millésime océanique, celui des grands terroirs.
Après ces vendanges, la récolte fut de grande qualité. Nous le voyons ici en dégustant et en commençant par apprécier la robe. Vous pouvez, tout d’abord, observer cette robe qui est d’un très beau jaune pâle doré avec quelques reflets verdoyants traduisant une belle promesse pour l’avenir.
Au premier nez on perçoit des arômes délicats qui dénotent des fruits à chair blanche tels que la pêche ou la poire. Ensuite, à l’agitation, je vois que l’ensemble s’intensifie. L’on va alors sentir de très belles notes de miel ou de vanille, et peut-être de fruits secs tels que l’amande.
En bouche, l’attaque est pleine, vive et puissante et l’on va mesurer la grande élégance de ce vin qui saura très certainement traduire ce que peuvent être les grands sauvignons et leurs secrets, avec une persistance de ces arômes fruités.
J’évoque leurs secrets…
Le secret est, cette année, le thème des vendanges de Malagar…
Peut-être me voyez-vous venir avec mes gros sabots… Monsieur le Grand Chancelier m’a, de prime abord, volé la citation du Talmud que je voulais évoquer : « Quand le vin entre, le secret sort ». Je vais donc me rabattre, si vous me le permettez, sur une citation de Jacques Chardonne. Vous vous souvenez que François Mauriac avait dit -un jour de bienveillance- qu’il s’agissait de son écrivain français préféré. Cette citation m’a d’ailleurs été soufflée par notre ami Jean-Marie Plane. Je voudrais donc lui en rendre la paternité. Il s’agit d’une citation tirée de L’amour, c’est beaucoup plus que l’amour. Je vous la livre : « Tout est secrets dans les industries et les commerces du Sud Ouest. Ce n’est pas l’argent qui rend maître du secret, c’est le secret qui donne l’argent et qui a ses favoris. Ce n’est pas la raison et la justice, ni même la science qui ont fait le vin de Bordeaux, c’est un secret ».
Je vous remercie de votre attention.