Château Mouton Rothschild 1991
Rouge, Pauillac, 1991
Commenté par Sophie Thierry-Schÿler
Avant d’ouvrir le ban de cette journée du 60ème anniversaire je veux vous remercier tous de votre présence…
Chers amis,
Que d’émotions à la redécouverte de ce somptueux Mouton Rothschild 1991…
Nos souvenirs s’entremêlent : Après trois millésimes très réussis, 88, 89 et 90, arrive 1991 ; un hiver froid suivi d’un printemps de boue qui favorise une pousse précoce de la vigne, mais le 21 avril reste une date fatidique à Bordeaux puisqu’une gelée noire provoqua d‘importants dégâts, sur la rive droite en particulier.
Heureusement pour nous ce soir, Mouton fut épargné ainsi que bon nombre de crus du Médoc, ceux qui ont produit des vins tout à fait surprenants, dans ce millésime.
Un bel été chaud et sec a permis une bonne maturation du raisin. Ainsi les vendanges à Mouton se sont déroulées dans de bonnes conditions entre le 27 septembre et le 12 octobre.
Mouton a une très belle couleur au reflet tuilé, une expression aromatique assez fine, plutôt subtile, avec des nuances florales de violette et de lavande. Rassurez-vous, je ne vais pas rentrer dans les subtilités de Michel Serres de ce matin, je n’oserai pas.
L’attaque charnue est faite de petits fruits rouges, notamment de cassis, avec de la finesse et de l’élégance sur des teints marrons et fondus sans aspérité et un boisé très fin. L’équilibre en bouche est parfait entre l’élégance de tanins très soyeux et la finale aromatique où l’on retrouve l’épice, le poivre et la vanille.
Mouton 91 se révèle petit à petit, avec beaucoup d’harmonie et d’originalité, mariant le fondu des tanins et le charme délicat des saveurs bien connues de Mouton.
Notre éloge pour ce sublime Mouton ne serait pas complet si nous n’évoquions pas la culture de Mouton. Si vous le voulez bien, rendons hommage au dieu du vin, à Dionysos, et repensons par exemple aux Ascolies. Vous vous souvenez des fêtes grecques organisées pendant les vendanges par le roi d’Athènes, celles qui ont permis à Dionysos d’initier ce dernier au vin et aussi de lui apprendre à faire du vin dès le VIIe siècle av. J-C. Tandis qu’au II et au III siècle av. J.-C. à Rome, des rites de nature fort différente connues sous le nom de «bacchanales romaines» se déroulaient avec beaucoup de succès pour rendre hommage à un dénommé Bacchus.
L’univers bachique poursuivit son mystère à travers les siècles, jusqu’à la représentation de l’histoire du vin, cette fois par l’épouse du peintre de Balthus, la Japonaise Setsuko, qui créa l’étiquette du Mouton en 91. Pour elle, la grappe a d’abord été fleur puis fruit, elle a ensuite, généreuse comme l’épi de blé, livré ces grains aux vendangeurs. Enfin dénouement tant attendu, la carafe bien remplie et le plaisir de boire. Cette composition est fidèle à l’œuvre de Setsuko, constituée essentiellement de natures mortes, vous connaissez ces dernières, peuplées d’objets recomposés ligne à ligne, polis et colorés.
Merci, Philippine, pour ce vin céleste.