Château Olivier 2011
Blanc sec, Pessac - Leognan, 2011
Commenté par Arnaud de Laforcade, Directeur administratif et financier, Château Cheval Blanc
DINER-CONFERENCE AU CHATEAU OLIVIER
Monsieur de Bethmann nous a déjà décrit la riche et longue histoire du Château Olivier, m’enlevant par là même une fière épine du pied. Donc, je vais pouvoir me concentrer un peu sur les vins.
Mais avant cela, j’aimerais, si vous me le permettez, Cher Professeur, discourir un tout petit peu puisque vous nous avez gratifiés d’un diagnostic et d’un pronostic et que mon vieux cerveau, frais émoulu de tout ce que l’on veut, reste un peu attaché à la synthèse qui doit terminer ce propos.
Et cette synthèse finalement, ne la trouve-t-on pas dans les verres de vin qui nous ont été offerts ce soir ? Vous nous avez parlé d’archaïsme, en synergie avec le progrès technologique. C’était, je crois, à peu près vos mots. Et il me semble que la profession de viticulteur pourrait synthétiser ces deux notions, l’archaïsme puisque nous avons la chance d’exercer un métier archaïque au sens ancestral du terme, qui est presque conjoint avec l’idée même de civilisation – la viticulture est l’un des plus vieux métiers du monde, peut-être pas le plus vieux mais un des plus vieux – et on peut le faire finalement en ayant renoncé à assez peu de chose. La culture de la vigne reste dans ses racines, au sens propre comme au sens figuré, ancrée dans cette idée de très vieille civilisation millénaire.
Pourtant, s’il y a bien un endroit où cette civilisation millénaire est synthétisée avec le progrès technique – peut-être pas technologique mais technique – c’est bien le Château Olivier, et peut-être les grands crus de Bordeaux dans leur ensemble. Puisqu’on fait le même travail, on y fait du vin, sans avoir renoncé au cœur de ce métier-là qui est de chérir nos vignes et d’essayer d’en tirer le meilleur, mais également, il y a eu énormément d’adaptations.
Alexandre de Bethmann nous parlait de toutes les réorganisations, toute la réflexion, toute l’humilité que cela suppose aussi, mâtinée d’ambitions, qui ont été mises en place ici par lui-même et par Laurent Lebrun. Je crois qu’on est plusieurs domaines à avoir vécu ce même type d’aggiornamento, c’est-à-dire en essayant de faire avec plus de précision au moins aussi bien que ceux qui nous ont précédés.
Donc, finalement, nous avons un pied dans cet archaïsme, et nous avons aussi un pied dans cette postmodernité. Alors, peut-être ne l’avons-nous pas au sens « tribal » du terme, mais sans doute, faisons-nous une partie de la synthèse entre l’archaïsme et la technologie.
Puis vous avez aussi utilisé une locution qui m’a intéressé, qui était « la raison sensible » ou alors le mariage entre Dionysos qui nous invite à être à la fois des « homo sapiens » et des homo, peut-être pas « demens » mais « ludens »
Et finalement, ce métier, encore une fois, synthétise tout cela, c’est-à-dire qu’il nécessite ce progrès technique, il nécessite des connaissances qui sont fortes, qui sont pointues, qui sont, même parfois, ésotériques, enfin difficiles à comprendre pour le béotien, et en même temps, si on se contente de ce côté « sapiens », si on oublie ce côté « ludens », on a tout perdu. On est dans le vide. On est dans le vide d’une espèce d’ignominie scientifique uniquement alors qu’elle n’existe que par l’âme que l’esthétisme, l’empirisme – et aussi l’absence parfois de maîtrise – doivent lui apporter.
A mon avis, c’est au cœur de notre métier, c’est ce paradoxe entre un métier technique et un métier sensible.
Il y a un autre paradoxe – vous en avez parlé un petit peu – qui est synthétisé dans tous les verres de vrais grands crus. Peu importent les classements, peu importent les appellations, mais des grands crus qui méritent cette qualification, pour moi, ils sont qualifiés par : « Ce sont les vins qui arrivent à résoudre un paradoxe. » Ce paradoxe c’est : comment faire en sorte qu’un vin soit le même chaque année et différent chaque année ?
La stabilité, dans un vin, c’est son âme. C’est ce que des communicants d’aujourd’hui qualifieraient d’ADN. C’est ce qui ne doit pas changer, c’est-à-dire son identité, son style. C’est fait aussi de conviction, c’est fait aussi d’humain. Et puis cela doit se marier – et c’est là le paradoxe, la difficulté de notre métier – avec un millésime. On veut que quand on a un verre d’Olivier 2001 dans les mains, on puisse reconnaître Olivier et on puisse reconnaître 2001.
Il n’y a qu’une seule façon, à mon humble avis, de résoudre ce paradoxe-là, qui est fondamental dans notre métier, c’est la viticulture. La viticulture, c’est l’endroit où vont se confondre la météo et le sol. Le sol est pérenne, il peut permettre de garder à chaque cru son identité, sa stabilité. Et la météo, elle change tous les ans. A partir du moment où vous fondez votre viticulture, votre façon de voir le métier de vigneron sur le respect de ce mariage-là, vous avez trouvé la façon de résoudre ce paradoxe.
Tous les ans, vous avez la météo, tous les ans, vous avez le même sol. Donc, ce vin est signé, à la fois par son sol, et même peut-être plus généralement par l’esprit d’Olivier, dans son équilibre, dans sa classe, dans son élégance, et puis il est également signé 2001. 2001, c’est un grand millésime à Bordeaux, c’est un millésime classique. Alors, souvent, à Bordeaux, on qualifie de classique, les mauvais millésimes. C’est une grosse erreur. Un millésime classique à Bordeaux, c’est un millésime qui est caractéristique de Bordeaux, c’est-à-dire relativement sec, pas trop chaud.
C’est vraiment cela, 2001. Et cela, signe le vin qu’on a sous les yeux et dans les verres, par, là aussi, son élégance, mais aussi sa concentration. Encore une fois, un millésime relativement sec, donc avec un niveau de structure tannique intéressant, sans être un monstre de muscles. C’est un vin qui montre un très bel équilibre entre son millésime et son cru.
Je vous remercie beaucoup, de m’avoir donné, de nous avoir donné l’opportunité de le goûter.