Château Suduiraut 1990
Blanc liquoreux, Sauternes, 1990
Commenté par Comte Xavier de Pontac
Je considère comme un grand privilège de pouvoir m’adresser à vous sur un sujet qui me fascine. Il s’agit plus précisément de la façon dont nous espérons, dans un proche futur, sécuriser le processus d’unification de cette grande Europe
Nous allons maintenant revenir en amont le long de la Garonne sur 70 kilomètres pour arriver à Sauternes et ses vins blancs liquoreux.
Je dois vous dire, Monsieur l’Ambassadeur, que nous devons beaucoup à vos compatriotes hollandais du XVIIème siècle qui, en tant que marchands, achetaient beaucoup de vins blancs, certains pour faire de l’alcool ; pour notre région du Langonais, de Sauternes, c’était une demande de vin un peu sucré. D’abord parce que le sucre est un conservateur et que de surcroît ils revendaient ces vins aux pays nordiques, grands amateurs de ces vins. Dans les terriers locaux, les baux de l’époque, on préconisait déjà que le raisin soit un peu sucré, un peu sur-maturé.
Ce premier cru classé de Sauternes, classé en 1855 est un Château Suduiraut 1990.
Château Suduiraut est une très belle demeure du XVIIIème siècle située sur la commune de Preignac, des graves, des sables d’argile, voisin du château d’Yquem.
Le château lui-même est une très belle propriété : un jardin qui a été fait par Le Nôtre, une propriété de 200 hectares dont 90 en vigne, avec les cépages traditionnels : 90 % de Sémillon et 10 % Sauvignon.
Aujourd’hui, le Château Suduiraut est un premier cru qui appartient au groupe Axa. A l’époque, ce château appartenait à une indivision de 6 femmes qui confiait au régisseur, Monsieur Pascaud, son millésime tous les ans. Axa dans sa sagesse, a repris son fils qui continue, car à Sauternes le moment de la cueillette est aussi important.
En Sauternais Barsac, nous avons une particularité, nous aimons les raisins mûrs mais nous les laissons ensuite évoluer comme ils peuvent. C’est-à-dire que nous ne contrôlons plus rien.
A Sauternes en 1990, c’était la 3ème année de ce qu’on appelle là-bas les 3 glorieuses : 88, 89, 90.
L’année 90 est une année très sèche avec des températures assez chaudes tout l’été, les vendanges ont eu lieu très tôt. A Suduiraut, elles ont commencé le 12 septembre et se sont terminées le 10 octobre. Rappelons simplement à ceux qui l’oublient que ce ne sont pas forcément des vendanges tardives. La chaleur et l’humidité font la concentration du botrytis et la pourriture noble, ce n’est pas le froid comme des vendanges tardives. Souvent les grands millésimes sont des millésimes hâtifs et d’ici peu nous vous le prouverons à Sauternes pour l’année 2002.
Il y a eu 4 tries pour ce millésime 90 sachant que dès fin septembre à Sauternes les 2 premières tries (probablement les 80 % de ce raisin) avaient été ramassées, ce qui pour nous est très rare à cette période là.
Dans votre verre, ce Suduiraut 1990 a une très belle couleur de robe dorée, je crois que ce qui est important dans les vins liquoreux c’est de les regarder parce qu’il n’y a jamais aucun or qui soit le même, avec des reflets un peu ambrés, encore un peu verdâtres pour certains.
Au nez, nous avons plutôt des arômes de raisins secs, à mon avis un peu de miel, d’aubépine aussi, de marrons glacés. Ce qu’il faut apprécier, je pense, dans ces vins, c’est à la fois la structure des vins et ce côté qu’ont les très grands millésimes et les très grands châteaux de vins très soyeux, très crémeux ; j’aime beaucoup le terme soyeux pour ce type de vin. En fait, cela n’empêche ni la puissance, ni la longueur des vins.
Par rapport aux millésimes qui ont précédé 88 et 89 qui sont de très grands millésimes aussi, les Sauternes étaient beaucoup plus en puissance et en force au début, maintenant il commence à s’affiner et à devenir beaucoup plus onctueux.
Nous avons les arômes classiques d’oranges confites, de miel, de figues et d’abricots. Le charme de ces vins, c’est finalement de se laisser aller tranquillement.
Pour terminer, quelques conseils pour savoir quand consommer les vins de Sauternes que vous auriez dans votre cave :
En fait, il est difficile de donner une date, alors plutôt quelques réflexions par rapport à ce que vous aimez :
Si vous aimez les arômes de fruits jeunes, le noyau ou l’écorce pour des vins jeunes, donc si vous aimez le fruit sous l’arbre, il faut les boire dans les 5, 7 premières années.
Si à d’autres moments, vous aimez les fruits confits, il faudra attendre 10, 15, 20 ans.
Si vous aimez vraiment les arômes très évolués comme de la confiture, il faudra attendre des décennies, étant entendu que pour ces vins, je conseille simplement un très bon fauteuil à la fin d’un repas beaucoup plus qu’un met.