08/01/2014

Château du Tertre 2000

Rouge, Margaux, 2000

Commenté par Nicolas de Bailliencourt dit Courcol, Grand Chancelier de l'Académie du Vin de Bordeaux, Château Gazin

Château du Tertre, MargauxConférence du Pr. Jocelyne Pérard sur le thème « Fluctuation climatique et viticulture en Europe, du Moyen Age à l’Epoque Contemporaine »

Lorsque l’on présente un vin de Bordeaux du millésime 2000 c’est toujours une source de plaisir mais également d’interrogation. Ce millésime est-il la grandiose année tant vantée par la presse et aussi par les vignerons qui ne sont jamais en mal de compliments sur leurs vins? Dans le cas de ce château du Tertre 2000 je crois qu’il n’y a pas d’hésitations à avoir. Nous tenons là un beau vin.

Le château du Tertre où nous avons le plaisir de nous trouver ce soir est d’ancienne extraction, ce qui donne déjà des indications sur la qualité de son terroir, laquelle avait été reconnue dès le 12ème siècle. En principe au 12ème siècle on ne parle que des vins des côtes de Bordeaux, des vins de Graves et de Saint Emilion.

Mais on parle déjà du Tertre, un des points les plus élevés de Margaux, comme son nom « le tertre » l’indique. Cette terre de vignes est à l’époque la propriété de la seigneurie d’Arsac et de Thomas de Montaigne, frère de Michel, qui en prend possession en épousant Jaquette d’Arsac. Ce seront ensuite la maison d’Arrérac, puis la famille de Ségur, au 17ème siècle, qui en auront la charge. Au 18ème le vignoble devient la propriété de l’Irlandais Mitchell, premier fabricant de bouteilles à Bordeaux, qui a d’ailleurs toujours sa rue à Bordeaux, à l’ancien emplacement de sa verrerie. Après la Révolution, différentes familles se succèderont sur ces terres jusqu’à la famille Capbern Gasqueton. C’est en 1997 qu’Eric Albada Jelgersma, homme d’affaires d’origine néerlandaise, prend possession de ce cinquième cru classé de 1855. Monsieur Albada Jelgersma va transformer le château du Tertre et son vignoble en lui donnant le lustre que nous lui connaissons aujourd’hui. Cela concerne tant le château magnifiquement restauré, étendu et meublé avec un goût parfait que les bâtiments et les installations vitivinicoles qui sont des plus élégants et les plus adaptées à une culture de la vigne et à la vinification des raisins, moderne sans pour autant délaisser la tradition.

Les 52 hectares de vignes d’un seul tenant, sur les 80 hectares que compte le domaine, sont aujourd’hui cultivés avec le plus grand soin. En partie en biodynamie, pour 11 hectares, et en lutte raisonnée sur 41 hectares. Sur ce sol de graves profondes on trouve principalement du Cabernet Sauvignon, pour 45%, du merlot noir pour 32% (Il est bon de préciser « noir » car il y a aussi du merlot blanc comme vous le savez), du cabernet franc pour 17% et du petit Verdot pour 6%. Nous avons donc à faire à un vignoble très équilibré en cépages nobles de Bordeaux, qui a toutes les chances de réussir tous ses millésimes en produisant des vins complexes et fins sans trop dépendre des caprices de la météorologie.
Ce millésime 2000 est le produit d’une saison marquée par le mildiou à cause des températures élevées des mois d’avril et de mai, associées à des pluies. Mais le mildiou a été stoppé par un été sec et chaud permettant finalement une excellente maturité et un parfait état sanitaire de la récolte. Un millésime grandiose, de l’avis général.

Le vin que nous avons dans nos verres est royal comme ce homard. Je me rappelle qu’autrefois le Curé de Pomerol, le chanoine Capdequi, paix à ses cendres, avait coutume de dire « un bon vin résiste à tout, même au homard à la royale et accessoirement à la salade » … Mais que voulez vous il faut bien pouvoir manger du homard à Bordeaux et on ne peut pas déguster que des confits, des foies gras et du Gouda avec nos vins. Nous avons ce soir l’exemple d’un vin bien construit, puissant, à la robe dense et profonde qui ne craint pas le roi des crustacés, accompagné tout de même d’une petite sauce au vin rouge qui prépare cette association. L’ensemble est réussi. On trouve dans ce vin des notes très élégantes de fruits rouges et noirs, des notes grillées et tanniques, épicées, de café, soutenues par une belle longueur en bouche le tout avec de la fraîcheur, apportée entre autre par la présence de 20% de Cabernet franc.

Ce château du Tertre 2000 qui nous régale a encore de beaux jours devant lui. Je remercie Alexander Van Beek qui nous reçoit ce soir de nous offrir cette rencontre festive et je lui demande de transmettre à Monsieur Albada Jelgersma les félicitations de l’Académie, de ses membres et de ses invités.