Conférence de Monsieur Philippe Houzé au Château Cheval-Blanc en St Emilion
Monsieur Philippe Houzé a développé sa carrière professionnelle dans le monde de la grande distribution en occupant les fonctions de Directeur Général de Monoprix, co-Président Directoire de Groupe Galerie-Lafayette, PDG de Monoprix SA, Vice Président du BHV et membre du conseil de surveillance de Casino SA. Monsieur Houzé est membre du Comité 21, association pour le développement durable. Il a publié deux ouvrages « La vie s’invente en ville » ou quel commerce pour les villes et « Vive la Marque ». Il est Officier de la Légion d’Honneur.
Présentation de Monsieur Philippe Houzé par Nicolas de Bailliencourt dit Courcol, Vice-Chancelier de l’Académie du Vin de Bordeaux.
Monsieur Houzé, en nous interpellant ce jour sur le thème « Développement durable et Entreprise, approche Marketing ou Citoyenne ? », vous abordez un grand débat qui a pris naissance avec le concept d’éco développement lors de la conférence des Nations Unis sur l’environnement organisée à Stockholm en 1972.
Ce concept a peu évolué vers l’idée de développement durable tel qu’a fait l’objet de travaux de la conférence de Johannesburg en 2002, après ceux entre-autres de la conférence des Nations-Unies sur l’environnement et le développement ou le Sommet de la terre à Rio de Janeiro en 1992.
Pour éclairer notre lanterne et sans vouloir empiéter sur vos propos, laissez-moi préciser dès à présent ce que l’on peut entendre par développement durable. Il s’agit d’un développement économique, efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. Voilà qui donne une idée de l’ambition du projet et de l’ampleur des problèmes qui nous attendent principalement dans leur implication pour l’entreprise.
Conférence de Monsieur Philippe Houzé
Sur ce thème du développement durable appliqué à l’entreprise, la question principale qui se pose : est-ce une approche marketing ? ou est-ce une approche citoyenne ?
Vous avez commencé à esquisser une définition du développement durable. Je vais revenir rapidement sur cette notion et ses implications pour l’entreprise.
C’est en 1987 qu’une Norvégienne Madame Brundtland a parlé pour la première fois aux Nations Unies de développement durable. Ne parlant pas français, elle a utilisé un terme Anglo-saxon « Sustenable development » que nous avons traduit par développement durable, « soutenable », sorte de développement qui permet de ménager l’avenir. Et la première définition qui a été donnée du développement durable, c’était de dire : c’est la forme du développement qui permet aux générations actuelles de satisfaire leurs besoins sans compromettre la capacité pour les générations futures de satisfaire les leurs. Elle exprimait la volonté de vouloir protéger notre terre, la planète.
Il y a 200 ans, la terre comptait 1 milliard d’individus, il y a 80 ans, elle en comptait 2, il y a 40 ans elle en comptait 3, nous sommes aujourd’hui 6 milliards sur notre terre. Dans les deux générations à venir, nous serons 9 milliards. Cette progression géométrique ne poserait pas de problème si en fait aujourd’hui le quart de la population ne consommait déjà les 3/4 de l’énergie mondiale. Or, on peut estimer que ces nations émergentes, en plein développement que sont celles de la Chine, de la Russie, de l’Asie du Sud-Est aient envie à leur tour de consommer aux mêmes niveaux que les nôtres.
Le problème qui est posé, c’est celui de notre mode de production et de consommation qu’il faut absolument réformer. Et pour aborder cette vision nouvelle du développement durable, il est nécessaire d’abandonner trois convictions anciennes qui ont été rendues caduques par tout ce qui s’est développé au cours du siècle qui vient de s’écouler.
Il est faux de prétendre que la nature a la capacité de guérir de toutes les blessures résultant de l’homme. Il est présomptueux de croire que l’intelligence de l’homme lui permet toujours de résoudre les erreurs ou les choix hasardeux commis au nom du progrès et enfin, il est irréaliste de penser que l’homme pourra continuer à puiser sans limite dans les ressources naturelles.
Fort de ces convictions, lors du sommet de la terre à Rio en 1992, 170 Chefs d’Etat et de Gouvernement se sont réunis et ont signé un programme d’actions pour le « 21ème Siècle ». On l’a appelé « l’agenda 21 » définissant les objectifs d’un développement durable pour la planète. Ces Chefs d’Etat ont compris que le monde n’était durable qu’à une triple condition :
- La première : économique, être équitable, dire définitivement non à la pauvreté et aux inégalités.
- La seconde : plus sociale, plus sociétale, le monde doit être vivable. Il faut pouvoir vivre et non survivre.
- La troisième : être environnementale, le monde doit être viable donc répondre aux besoins de tous les habitants de la planète sans compromettre les besoins futurs.
Cet « agenda 21 » a lancé à Rio « vingt et une propositions » pour l’organisation de la planète. 10 ans se sont écoulés. Cette année, au mois de septembre, s’est tenu le sommet mondial pour le développement durable qui s’est déroulé à Johannesburg où nous avons fait le bilan de ces 10 années. Triste bilan. Il ne s’est pas passé grand chose et les modes de production et de consommation provoquent des nuisances à la santé et à l’environnement.
On continue à privilégier les traitements des pollutions, à leur prévention, et on absorbe les ressources des générations futures. En 2050, on prévoit que 85 % de la population mondiale devrait vivre dans des pays dits aujourd’hui en développement. Les problèmes sont donc largement posés. On a parlé du calendrier du WEHAB: Wealth, Energy, Health, Agriculture, Bio-diversity qui ont été les 5 points sur lesquels on a essayé de formuler un consensus sur cinq domaines d’actions prioritaires que ce soit l’accès à l’eau ou à l’assainissement, l’accès à l’énergie, l’amélioration de la santé, le développement d’une agriculture durable et la protection de la bio-diversité.
Nous avions pour notre groupe deux représentants : la responsable du programme de développement durable de Monoprix, Stéphanie Levet, et Daniel Richard, Directeur du groupe Galerie Lafayette responsable de l’innovation et du développement et également président du WORLD WILD FUND, WWF France. Tous deux étaient présents et ont participé à ces réunions desquelles est sorti un certain nombre de déclarations à la fois de principe mais un peu plus volontaristes sur des calendriers d’action.
Pour la première fois, on a vu apparaître aussi, ce qui nous ramène au sujet, la notion de responsabilité de l’entreprise. Les chefs d’Etat ont dit : « Nous reconnaissons que le processus de globalisation s’accompagne de l’émergence d’entreprises privées de pointe qui ont eu une responsabilité dans l’évolution des communautés et des sociétés, même si elles poursuivent leurs activités légitimes ».
Il y a deux types d’entreprise : celles qui ont besoin de se préoccuper de la question et produisent, ou qui sont naturellement polluantes, qui travaillent autour des sources d’énergie et ont besoin évidemment de fonder leurs stratégies sur ces problèmes. D’autres, au contraire, prennent en compte ces différentes responsabilités. Un certain nombre de chefs d’Entreprises ont considéré qu’il fallait absolument, au-delà de leur court terme, envisager le développement, la pérennité de leur entreprise sur le plus long terme.
Regardons les menaces que représente une industrialisation excessive, menaces sur le climat, les espèces vivantes et la nécessité de mesures concrètes à prendre. C’est ainsi qu’un certain nombre de chefs d’entreprises ont ajouté à leur responsabilité économique, celle qui est de créer de la valeur pour les actionnaires ou pour les clients, deux valeurs jugées vitales par la communauté : la préservation écologique de notre planète d’une part, et le respect de la dignité de la personne humaine. On va retrouver appliquées à l’entreprise ces trois dimensions de responsabilité que requiert le développement durable.
« Le développement durable est un developpement qui permet à la génération présente de satisfaire ses besoins sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. »
traduction française de « sustainable development »
J’ai un schéma qui illustre le fondement même à l’intersection de ces trois dimensions, à savoir que le monde doit être équitable, viable et vivable, et cette notion anglo-saxonne des trois « P » : Profit, People, Planet, résume pour une entreprise ces trois responsabilités.
Profit, c’est la responsabilité économique.
People, c’est la responsabilité sociale, on parle aussi de responsabilité sociétale.
Planet, c’est la responsabilité environnementale.
On voit bien que ce développement durable est à l’intersection de ces différentes responsabilités.
Ceci nous ramène à l’entreprise et à l’exemple de Monoprix qui est une entreprise patrimoniale, une entreprise familiale, et je pense que les entreprises patrimoniales, vous en êtes des représentants, sont des entreprises qui sont déjà elles-même inscrites dans la pérennité.
On a hérité de nos parents, de nos grands-parents, de nos arrière-grands-parents. On se sent les dépositaires, les mandataires de l’entreprise sur le long terme, d’un développement à assurer pour les générations futures. Quand, dans ce métier qui est celui du commerce, de la distribution qui existe aussi pour tous les autres métiers, on subit les attaques répétées d’une concurrence forte et sévère, la meilleure forme de résistance, à mon sens, est le positionnement par la différence. Le commerce de centre ville, dans les petites villes et les villes moyennes, s’est atrophié. Monoprix comme toutes les formes de commerce de centre ville avait besoin de résister.
J’ai pris, en 1982, la direction générale de Monoprix et quand je voyais le contexte concurrentiel dans lequel nous étions, l’examen des points forts et des points faibles de l’entreprise me faisait comprendre qu’installé au cœur de la ville, servant des citadins, populations plus éduquées, à pouvoir d’achat plus élevé, il fallait absolument être différent. Cette volonté de positionnement nous a amené à élever qualitativement l’offre et rendre accessible le beau et le bon.
A partir du moment où on avait la clientèle au pouvoir d’achat plus élevé, on a essayé de l’amener vers une offre de meilleure qualité, un peu antinomique avec les racines de l’entreprise qui était une racine de discount quelques décennies plut tôt.
Nous y avons ajouté une volonté forte d’intégration dans la ville. Nos bâtiments qui ont été dans les années de la modernité, les années 1960-1970, recouverts de bardage métallique, nous avons retrouvé derrière les façades anciennes et mis en valeur le patrimoine culturel.
Nous avons voulu élargir notre rôle pour y inclure une dimension sociale avec des projets de solidarité qui ont été soutenus par les magasins, des programmes d’intégration dans les quartiers.
Dans cette volonté d’être différents, nous avons été les premiers à lancer des produits respectueux de l’environnement. Nous lançons les produits verts puis une gamme de produits bios, en 1994.
Nous travaillons avec tous ceux, les agriculteurs de pointe, qui avaient déjà cette vision à lancer des produits bio dans nos linéaires et nous sommes les premiers à favoriser ces produits.
Nous mettons en place une puce fraîcheur, qui est une puce qu’on colle sur le produit en sortie de chaîne pour pouvoir témoigner sur les produits frais, de la réelle fraîcheur. Cette petite puce change de couleur en indiquant la température et le temps pendant lequel le produit n’a pas été exposé à la température idéale.
Nous décidons d’inscrire le développement durable comme un axe stratégique pour l’entreprise Monoprix, avec cinq axes d’engagements majeurs :
- être leader dans l’offre des produits pour la qualité de vie,
- renforcer et accroître la qualité de vie dans nos magasins,
- maîtriser les impacts sur l’environnement de l’activité du groupe,
- initier des actions locales qui s’inscrivent dans une démarche du développement durable,
- informer et rendre compte des actions au développement durable de Monoprix.
Ayant inscrit cette volonté stratégique, nous continuons à développer ces produits de qualité environnementale. Nous passons des partenariats avec des filières agricoles pour développer des produits, comme avec l’association « Bleu, Blanc, Cœur » qui promeut l’utilisation de la graine de lin qui est naturellement riche en Oméga 3 pour l’alimentation des animaux d’élevage, volailles, viandes, porcs. Nous développons dans notre offre des produits issus du mode de production respectueux de l’agriculture raisonnée et des produits issus du commerce équitable pour garantir un revenu minimum permanent à des familles qui produisent des matières premières comme le café, comme le cacao nous permettant de les aider et favoriser leur développement sous le label Max Havelaar.
Ces produits, bien sûr, sont un peu plus chers de l’ordre de 10 à 15 %. Les clients dans les magasins sont sensibles à ce label et le lancement de ces produits ont reçu un bon accueil.
Pour développer au sein de l’entreprise et pour faire passer cette notion de développement durable, il a fallu répondre aux questions : » Qu’est-ce que c’est ? Comment peut-on s’impliquer ? Qu’est-ce que ça représente pour nous ? ». Il a fallu former nos collaborateurs, professionnaliser la démarche de développement durable par des formations internes, par des opérations de sensibilisation.
Nos magasins, dans leur quartier, sont impliqués eux-mêmes. Nous les invitons à développer un certain nombre d’opération de convivialité.
C’est ainsi que nous avons sponsorisé une opération nationale qui s’appelle « Immeuble en fête ». Nous mettons à disposition de nos clients des invitations et des affiches dans les magasins pour que tout le monde se retrouve et apprenne à mieux se connaître. Souvent on constate que dans les villes, on ne connaît pas son voisin dans un immeuble, on ne connaît pas les gens dans sa rue. Ce fut l’occasion de se retrouver ; l’année dernière, plus d’un million de Français se sont retrouvés dans la rue, dans leurs immeubles pour essayer de mieux se connaître autour d’un verre.
Après avoir parlé de performance économique, sociale et sociétale, la performance environnementale est de mesurer l’impact de sa propre entreprise. Nous consommons de l’eau, de l’énergie, nous produisons des déchets, des gaz à effet de serre, il faut absolument que nous en fassions l’inventaire. Et quand une entreprise veut mesurer, je vous assure que ce n’est pas évident. Parce que même en prenant les factures de consommation, nous ne connaissons pas exactement les volumes. Il faut, à partir de ce niveau existant, pouvoir ensuite volontairement réduire ces consommations. Nous sommes dans ce processus.
De même, nous voulons limiter l’impact du transport à travers l’approvisionnement de nos magasins. Nous avons mis en place des indicateurs : consommation en litres, production de gaz à effet de serre, ainsi nous allons vers une gestion optimisée de nos déchets. Nous voulons avoir une visibilité totale de cette gestion des déchets, pour là aussi en mesurer la réduction.
Par exemple, concernant le dépôt des piles usagées : l’année dernière, nous avons récolté plus de 24 tonnes de piles alcalines dans l’ensemble de nos magasins.
Comment tout cela fonctionne dans une entreprise ?
Il faut d’abord une volonté à la tête, il faut ensuite un comité de pilotage régulier pour que les collaborateurs se retrouvent régulièrement et aient chacun des définitions de leur objectif personnel. Nous cherchons à aller vers ce que nous appelons la définition du magasin citymarché idéal où là, on retrouve les différentes responsabilités qu’elles soient économique, sociale, environnementale et la transparence qui doit accompagner cette démarche. Chacun des acteurs relais du changement connaît les mesures qu’il va prendre et les transformations qu’il va opérer dans son domaine pour que nous réussissions, dans les deux ans qui viennent, à pouvoir concevoir un type de magasin qui ait complètement pris en charge toutes les responsabilités que j’ai énumérées.
Pour répondre à la question : « Est-ce que c’est une approche marketing ou une approche citoyenne ? »
Je dirais que c’est du marketing bien sûr, pour une marque qui se veut éthique parce qu’aujourd’hui l’éthique est une notion indispensable, on l’a vu, dans la financiarisation de notre économie ; le manque d’éthique nous amène à des excès que le citoyen et le consommateur ne supportent plus. Il faut, au niveau de l’entreprise, introduire cette notion d’éthique. Il faut, non seulement affirmer sa différence par une démarche « de développement durable » mais savoir comment elle peut être appliquée à vos entreprises de viticulteur par exemple.
Quand on parle de marque et de développement de la marque, elle ne vend pas seulement un produit. Le client, ce n’est pas seulement un produit qu’il vient acheter, ce sont les valeurs qui accompagnent la marque. Ce qui différencie une enseigne d’une marque, c’est qu’ une enseigne vend des produits, une marque vend des valeurs.
Vous le savez quand vous développez vos marques, quand on est une maison prestigieuse comme Cheval Blanc, ce n’est pas seulement le produit, le vin, qui est derrière, c’est toute une notion de valeur ajoutée, et pour tous les grands crus il en va de même. Et les consommateurs aujourd’hui sont à la recherche de cette notion de sens. Quand on réfléchit sur ce que vous faites, sur ce que vous êtes, lorsqu’on a fait le tour de ces différentes responsabilités, je pense que vous faites du développement durable sans le savoir. Vous l’avez fait, comme nous d’ailleurs, puisque ça fait 10 ans que nous sommes lancés dans cette démarche et il n’y a que quelques années que l’on a compris que nous étions dans cette démarche de développement durable.
Concernant le développement économique, je sais qu’un certain nombre d’entre vous ont cette volonté d’internationalisation de la marque, de développement de l’image de la marque sur le plan économique. Sur le plan environnemental, quand on se promène dans votre région, on voit que vous êtes déjà certainement une région un peu privilégiée, mais vous êtes des gestionnaires particuliers de l’environnement, vous réhabilitez des espaces de campagne. Un certain nombre de pionniers parmi vous vont jusqu’à retrouver peut-être des traditions anciennes ou perdues de bio-dynamie. On sent cette responsabilité environnementale de plus en plus gagner dans vos entreprises. Sur le plan sociétal, on sent vos entreprises très intégrées dans la région. Sur le plan des vendanges, on ne ressent pas, dans le bordelais, les problèmes qu’ont pu connaître d’autres régions, peut-être par la taille des entreprises même. On sent qu’il y a déjà chez vous une approche intégrée de l’entreprise dans sa région et dans son environnement. Et sur le plan sociétal, vous partagez avec la pomme et le raisin le fait d’être un des premiers alicaments. Vous avez cette chance que vous avez bien sûr sollicitée du french-paradoxe qui vous permet de cultiver cette notion de ce que le vin, le Bordeaux, est un produit de qualité naturelle, bon pour la santé, et qui vous permet de le diffuser mondialement.
En conclusion, je dirai que cette démarche peut répondre à un certain nombre de lacunes qui ont été identifiées récemment à l’ASMEP présidée par Monsieur Gattaz qui est l’association des entreprises patrimoniales.
On faisait une enquête pour savoir quelle était l’image des entreprises patrimoniales, et on s’apercevait que l’entreprise patrimoniale était une entreprise qui était pérenne, qui était basée sur des valeurs fortes, sur une prise en compte permanente du social, qui était naturellement respectueuse de l’environnement, mais qui avait quelques lacunes. Elle n’était pas assez innovante par exemple, et pas assez différentiante, et cette démarche elle-même de développement durable permet de répondre à cette lacune.
De la même manière que sur le plan du management, cette démarche est une démarche moderne qui correspond aux attentes des hommes, des équipes dans l’entreprise et elle répond par les dimensions sociales et environnementales aux aspirations de développement individuel et qualitatif des collaborateurs.
L’affirmation de ces trois responsabilités nouvelles dans cette démarche de développement durable par les entreprises patrimoniales soulignera à mon sens d’autant plus le rôle déterminant qu’elle joue dans le développement économique du pays. Le développement durable est certainement une façon aujourd’hui de répondre à des aspirations qui sont celles des consommateurs mais aussi celles des collaborateurs qui travaillent dans l’entreprise.
Voilà une approche parmi d’autres sur ce sujet qui peut appeler de votre part un certain nombre de questions auxquelles je serai tout à fait ravi de répondre.
Monsieur Daniel Cathiard :
Je voudrais poser une question sur les OGM et les développements durables parce que tout à l’heure tu nous as dit qu’1 milliard, 2 milliards, 6 milliards, 9 milliards, c’est un développement effectivement qui peut effrayer quelque part. Il va bien falloir trouver des réponses au niveau agriculture pour nourrir ces populations. Réponse quantitative déjà, parce qu’il y a, d’ores et déjà avec quelques milliards de moins dans quelques années, on n’arrive déjà pas à nourrir bien, tout le monde. Alors, il y a une réponse qui paraît mirifique, qu’on nous annonce souvent, c’est les produits modifiés génétiquement qui auraient effectivement tout un tas de possibilités et qui permettraient peut-être de nourrir la planète à des niveaux bien supérieurs aux niveaux actuels. N’y a-t-il pas un danger à partir, comme ça, dans des choses qui sont plus ou moins connues, à le faire un peu trop rapidement peut-être ? Je voulais avoir un peu ton avis là-dessus, savoir si tu y avais réfléchi. Et puis l’autre point, c’est le côté qualitatif, c’est à dire comment peut-on conserver la valeur traditionnelle des aliments, nos appellations d’origine et comment est-ce que tout ça peut fonctionner, avec effectivement des chamboulements complets que l’apport des OGM peut amener dans les produits agricoles ?
Monsieur Philippe Houzé :
Les OGM, on les a vus arriver d’abord un peu sans le savoir puisque les Américains ont introduit ces notions au nom d’une qualité, j’oserai dire durable, c’est à dire que notamment ils ont essayé sur des légumes comme les tomates, de donner des tomates en permanence un goût constant, avec une apparence constante et on s’est aperçu, petit à petit, que ça avait des effets secondaires sur les plantations qui les entourent.
Sur le plan scientifique : nous, distributeurs, nous nous sommes interrogés pour savoir si on devait pouvoir vendre ces produits. C’est très délicat à répondre parce que comme tu l’as dit, on balance entre l’idée de pouvoir trouver des produits qui répondent aux besoins quantitatifs et nous ne savons pas aujourd’hui quelles sont les réelles implications dans le long terme de ces Organismes Génétiquement Modifiés. Et la science n’est pas capable de nous dire, avec toutes les expériences qu’elle fait, les implications que ça peut avoir.
Il y a deux attitudes possibles, celle des Britanniques qui ont dit : « On vend ces produits, mais on explique que ces produits contiennent des OGM. Ils sont moins chers, ils sont d’une qualité constante, mais on vous le dit ». Et puis, la tendance Française qui a été de dire, que dans cette démarche nous ne savions pas très bien jusqu’où il fallait prendre position. Et maintenant on s’aperçoit que des grands groupes américains chimiques, sont derrière pour essayer d’introduire des nouvelles graines avec lesquelles on est obligé de continuer à travailler. Le problème de ces graines modifiées c’est qu’à la fin de la récolte on ne peut plus les réutiliser. Il faut revenir vers le vendeur et le producteur pour pouvoir relancer ces récoltes. Et là, il y a une notion de dépendance économique qui est trop forte, ce qui nous a amenés à prendre fortement position contre les OGM.
Alors est-ce qu’aujourd’hui on a un problème de quantité, je ne suis pas totalement sûr que nous ayons aujourd’hui un problème de quantité quand on voit les excédents de certains pays, je ne crois pas que l’on soit dans ce problème.
Par contre, on est dans un réel problème de qualité. C’est au nom de la production quantitative qu’on est arrivé à des excès dans la production de volailles, dans la production de viandes.
Il y a plus de 10 ans, j’ai demandé à nos équipes d’acheter des viandes biologiques. Et on me répondait : « Monsieur ce n’est pas possible. » Je ne comprenais pas parce qu’aux Etats-Unis, au Canada je voyais déjà arriver des Organic-meat … En fait, il y avait, avec ce développement des grandes surfaces, une volonté d’abaissement du prix des produits.
On a bouclé la boucle de cette hyper-quantité.
Je crois que maintenant, malheureusement, certains ont payé de leur vie ces problèmes, et la société est revenue très en arrière. Nous avions lancé il y a une dizaine d’années les produits gourmets, les produits bio, les produits bien-vivre. Au niveau des citadins, nos clients ont des pouvoirs d’achats supérieurs. Il faut aussi penser à tous ceux qui n’ont pas les moyens de payer le prix. Mais je crois qu’on peut consommer moins en consommant mieux et je pense que la société est arrivée maintenant à ce stade.