2006

19/05/2006

Conférence donnée par Monsieur Nakagawa, Président de la Maison de la Culture du Japon à Paris

Conférence donnée par Monsieur Nakagawa, Président de la Maison de la Culture du Japon à Paris

Monsieur le Vice-Chancelier,
Monsieur et Madame Manoncourt,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

C’est un honneur et un immense plaisir pour mon épouse et moi-même d’être accueillis par votre prestigieuse Académie à Château Figeac, grâce à l’hospitalité de Monsieur Manoncourt.J’effectue depuis un et demi mon quatrième séjour en France. Il fut précédé par trois autres séjours : le premier en 1963, et les deux autres dans le cadre de mes activités professionnelles, grâce auxquels j’ai pu passer un total de treize années dans votre beau pays. Mes amis japonais et français s’interrogent parfois sur mon actuelle fonction de Président de la Maison de la culture du Japon à Paris. «En quoi le monde de la culture est-il différent, pour un homme comme toi qui a passé toute sa carrière dans le monde des affaires ?» Après un temps de réflexion sur cette question, somme toute pertinente, j’ai désormais pris l’habitude de répondre qu’une des principales différences tient au fait que la priorité dans le monde des affaires est d’obtenir toujours le meilleur chiffre possible en dernière ligne du bilan ! Dans le monde culturel, où les objectifs ne sont pas quantifiables de la même façon, il est souvent plus délicat de discerner clairement cette dernière ligne !Je conçois la culture comme un facteur de communication entre les hommes, simplifiant leurs échanges. Cette idée de lien me plait beaucoup !A cet égard, la Maison de la culture du Japon à Paris illustre particulièrement bien cette notion. En effet, c’est la plus importante structure culturelle gérée par la Fondation du Japon à l’étranger. Symbole fort de la culture japonaise, marqué par une architecture volontairement contemporaine, la Maison a été inaugurée en 1997, par Son Altesse Impériale la Princesse Sayako et le Président Jacques Chirac. Vous verrez à la fin de mon allocution une vidéo de quelques minutes présentant rapidement la maison.Il me paraît un peu audacieux d’aborder le sujet des traditions et des échanges culturels entre nos deux pays devant vous tous, détenteurs de la tradition et de la culture française, notamment au travers du Vin de Bordeaux, produit d’un terroir riche d’enseignement et de réflexion ; Pasteur disait fort à propos qu’« il y a plus de philosophie dans une bouteille de vin que dans les livres ».Si l’on regarde la position géographique de la France et du Japon, chaque pays tient un extrême : extrême occident et extrême orient. Pourtant nos deux pays ont à se dire et à échanger, me semble-t-il, beaucoup de choses. Les deux extrêmes se rejoindraient-ils? Nos deux cultures portent autant l’une que l’autre le poids de la tradition. Et l’égale importance que nous y accordons nous met définitivement sur la même longueur d’ondes !Les influences culturelles entre les artisans et les artistes français et japonais existent depuis plusieurs siècles et se poursuivent encore aujourd’hui dans les deux sens : du Japon vers la France et de la France vers le Japon.Consciente de ces échanges, et dans le but de montrer les liens culturels unissant nos deux pays, la Maison de la culture du Japon à Paris a organisé de nombreuses expositions. Je ne vais pas toutes les énumérer. Ce soir, je ferais référence à trois d’entre elles qui illustreront chronologiquement et thématiquement mon propos. L’art de la porcelaine, si précieuse aux arts de la table, à travers l’exposition Imari ; l’art de l’estampe et le  Japonisme, à travers l’exposition Hiroshige  et la culture du manga, expression typique du Japon contemporain dont l’origine a été présentée dans l’exposition Yôkaï.Dans le dossier qui vous a été distribué, vous trouverez d’ailleurs les dossiers de presse de ces expositions, des brochures de présentation de la MCJP, et une copie d’un manga japonais « Les gouttes de dieu »  dont le vin est le héros.Tout d’abord, l’exposition Imari, porcelaines des Shoguns et des souverains d’Europe de 1610 à 1760  a montré, à travers les œuvres présentées, une première démarche historique de découverte du Japon par l’Europe, à une époque où le mot « japonisme » n’avait pas encore été créé.

Nous allons donc voir, dans l’aller-retour des échanges culturels, en premier lieu un engouement des Européens pour la porcelaine japonaise, puis une appropriation du style européen par les Japonais, et enfin l’appropriation de la technique japonaise par les Européens pour arriver à leur propre fabrication.

Les secrets de fabrication de la porcelaine furent d’abord développés en Chine, pour ensuite traverser les frontières et se transmettre à la Corée. A la fin du XVIème siècle, un grand seigneur japonais, Toyotomi HIDEYOSHI tente d’envahir la péninsule de Corée. C’est un échec, mais NABESHIMA, un des vassaux de HIDEYOSHI, ramène dans sa province japonaise, Arita au Nord de l’île de Kyushu, des céramistes coréens. C’est ainsi qu’une déroute militaire aboutit au succès de la fabrication de la première porcelaine japonaise ! En effet, avec le kaolin de cette région, c’est la première porcelaine japonaise qui sortira des fours vers 1610.

La Chine seule fournissait alors en porcelaine les cours européennes. Or, avec d’une part, la fin de la dynastie chinoise des Ming et d’autre part l’avènement des Qing, les exportations vont cesser, laissant la place au commerce de la nouvelle porcelaine japonaise. La Compagnie hollandaise des Indes occidentales assurait quant à elle le transport des marchandises de l’orient vers l’occident.

Dans un premier temps, le style et la taille des porcelaines exportées étaient ceux des Shoguns, pour correspondre petit à petit au goût des Européens. En 100 ans, de 1650 à 1750, plus d’un million de pièces vont être exportées. Le rayonnement de cette porcelaine d’Imari est tel qu’on va la retrouver à la Cour des grands d’Europe qui vont commander des pièces d’exception pour leurs châteaux.

Ce mouvement du Japon vers l’Europe, et notamment vers la France va bientôt diminuer car les Européens, également désireux de produire leur propre porcelaine, vont finir par mettre au point la technique, tout d’abord à Meissen. En effet, le coût des importations ainsi que l’engouement croissant pour cette matière vont favoriser les recherches sur sa fabrication et en 1709 et le savant BOTTGER va parvenir à créer de la porcelaine dure. Cette technique va se propager, entre autres à Sèvres pour la France et à Chelsea en Grande-Bretagne. Ces pays profiteront également de la révolution industrielle qui permettra une fabrication à coût moindre.

Nous retrouvons aujourd’hui trace de ce passé dans les échanges actuels, les français séjournant au Japon ramènent de la porcelaine japonaise et les Japonais rapportent de France de  la porcelaine de Limoges ou de Sèvres…

Avançons dans le temps, pour nous retrouver en 1855, année pendant laquelle les Bordelais établissent le classement du Vin de Bordeaux.

Les Japonais vont avoir un choc. En 1853, alors que le contre-amiral Perry fait escale avec ses 4 frégates américaines, les Japonais, stupéfaits, découvrent des bateaux construit en fer, qu’ils surnommeront « les bateaux noirs ».

En France, de 1855 à 1900, 5 expositions universelles vont avoir lieu à Paris (en 1855, 1867, 1878, 1989 et 1900). C’est à cette période que le Japon s’éveille et s’ouvre au monde occidental.

Au Japon, cette époque, marquée par la Restauration de Meiji en 1868, correspond à l’ouverture du pays, après un isolement de 250 ans. Cette révolution japonaise résulte de l’effondrement de l’ancien régime, notamment du chef de clan samouraï – le Shogun Tokugawa – et le retour du pouvoir politique à l’empereur.

Mais déjà depuis quelques temps, avec l’agitation politique, le Japon, préoccupé par son avenir cherche une alternative, regarde et s’intéresse à ce qui se passe hors de l’archipel. C’est dans ce contexte qu’en 1867, à la veille de Meiji, le Japon va participer pour la première fois à une exposition universelle à Paris. Et c’est ensemble que deux représentants officiels arrivent du Japon : un représentant Tokugawa du gouvernement militaire (bakufu) et un représentant du clan Satsuma, un des précurseurs de la restauration japonaise. Ce qui n’a pas manqué de provoquer une réaction : lequel des deux est le représentant légitime de l’archipel ?

Finalement, c’ est la présence de nombreux objets artisanaux de la vie quotidienne du peuple japonais qui restera inscrite dans l’histoire de l’art.
En effet, l’intérêt du public et des artistes a été considérable et n’a cessé de s’étendre. Les artisans et les artistes de l’époque vont s’en inspirer. Ce n’est que plus tard que ce courant trouvera son appellation.  Ainsi est né le « japonisme », terme utilisé pour la première fois en 1872 par le critique d’art Philippe BURTY. Le « japonisme » va rester dans l’histoire de l’art pour décrire ce nouveau courant artistique inspiré d’objets et d’art japonais présentés lors de l’exposition universelle de Paris de 1867.

Le style des œuvres d’art japonaises a influencé l’idéal de beauté, la perception des artistes occidentaux, dit-on souvent. Cette influence est particulièrement flagrante dans les estampes japonaises. Nous allons en voir un exemple.
L’exagération des sujets au premier plan a souvent été reprise par des artistes étrangers pour produire un effet de style. Cette technique consiste à ne dessiner qu’une partie du sujet et à suggérer le reste, comme vous pouvez très clairement le voir sur cette estampe de Hiroshige.

Conférence donnée par Monsieur Nakagawa, Président de la Maison de la Culture du Japon à Paris

En effet, elle présente au premier plan une partie de la main et de la jambe de l’homme manœuvrant la godille du petit bateau japonais. Vous pourrez voir dans le tableau de Lautrec ci-dessous un tête de contrebasse qui est mise au premier plan afin de mieux montrer l’ambiance du Cabaret. Le critique d’art y voit le même procédé que celui utilisé par Hiroshige dans ses estampes.

Conférence donnée par Monsieur Nakagawa, Président de la Maison de la Culture du Japon à Paris

Alors que les occidentaux vont s’éveiller à la beauté japonaise, les japonais, de leur côté, vont mettre toute leur énergie dans la modernisation de leur pays et oublier de porter attention à leurs propres trésors.
C’est ainsi que certains musées étrangers possèdent de précieux objets japonais (tableaux, paravents, sculptures, objets traditionnels…), les sauvant ainsi pour certains d’entre eux, en les restaurant et en les conservant dans d’excellentes conditions. Tel est le cas du musée de Boston aux Etats-Unis et, en France, de la collection Guimet conservée au musée éponyme.
Réciprocité des échanges là encore, puisque les artistes japonais vont venir en France à la fin du XIXème et au début du XXème siècle. Ils vont s’intéresser à la peinture à l’huile qu’ils vont apprendre et pratiquer auprès des occidentaux, puis introduire au Japon. En effet, cette technique n’existait pas au Japon.
Le plus célèbre de ces artistes japonais est Seiki KURODA qui a vécu de nombreuses années en France, notamment à Grez-sur-Loing, à une soixantaine de kilomètres de Paris. Seiki KURODA repartira au Japon où, professeur à l’Ecole des Beaux-Arts de Tokyo, il enseignera la peinture à l’huile. Le 7 octobre 2001, la ville de Grez-sur-Loing, a inauguré une « rue Seiki KURODA» avec une plaque portant « artiste japonais, précurseur de la peinture moderne dans son pays, a vécu ici de 1890 à 1892 ».

Juste retour des choses, nous avons en projet de faire venir une cinquantaine d’œuvres de ces artistes japonais, pionniers de la peinture à l’huile, ayant vécu en France. Leurs œuvres, connues au Japon le sont relativement peu en France, exception faite pour Léonard-Tsuguharu FOUJITA qui vécut une très grande partie de sa vie en France et obtint la nationalité française. Cette exposition, est normalement prévue à l’automne 2007, année correspondant au 120ème anniversaire de l’Ecole des Beaux-Arts de Tokyo et au 10ème anniversaire de notre Maison de la culture du Japon à Paris.

Faisons ensemble, si vous le voulez bien, un nouveau saut dans le temps d’une centaine d’année, pour arriver dans le Japon d’aujourd’hui dont l’une des expressions caractéristiques est le manga.

Ces manga que l’on pourrait définir rapidement comme bande dessinée japonaise sont considérés -bien que les japonais n’en aient pas vraiment conscience- comme l’un des aspects typiques de la culture japonaise contemporaine. Ces manga sont publiés en feuilletons dans des hebdomadaires à grands tirages ou dans des mensuels spécialisés. Ces feuilletons, lorsqu’ils sont suffisamment nombreux, sont ensuite réunis en un livre.

Moi-même, j’ai fait partie, au début, des japonais sceptiques posant un regard un peu méprisant sur mes compatriotes qui feuilletaient ces manga dans les lieux publics tels que les trains. Cependant, je dois reconnaître aujourd’hui que le manga a évolué et qu’il a une reconnaissance culturelle tout à fait légitime.
Le manga est un phénomène d’édition et génère un chiffre d’affaires très conséquent. Au Japon, ces ouvrages représentent 40 % de l’ensemble des publications et totalisent un chiffre d’affaires d’environ 300 milliards de yens, soit plus de 2 milliards d’euros. Ce succès commercial est étayé par un certain nombre de facteurs. Notamment un nouveau marché, celui du manga pour adultes, qui a trouvé une grande réponse auprès des lecteurs japonais. Cette croissance est consécutive à la maîtrise de l’expression atteinte par les auteurs dans ce domaine, à partir des années 60. Actuellement on compte 50 % de la production destinée aux adultes. De plus, s’est développée à grande échelle une stratégie d’exploitation multiforme des manga avec la vente de produits dérivés à travers d’autres supports tels que jeux vidéo, télévision, cinéma ou jouets inspirés des personnages. Il existe également des ouvrages plus intellectuels ou même des romans d’auteurs renommés édités sous forme de manga.

Nous nous sommes attachés à montrer l’origine des manga dans l’exposition « Yôkaï, bestiaire du fantastique japonais ». En effet, on en trouve la source dans l’histoire du Japon. Etres surnaturels, monstres, esprits, les Yôkaï revêtent une multitude de formes, parfois effrayantes, souvent humoristiques. Ils font partie intégrante de l’imaginaire japonais depuis les temps les plus reculés. On les retrouve sur les rouleaux peints anciens dont certains de plusieurs mètres de long, les estampes, les livres et aujourd’hui dans les films sans oublier les manga. En effet, depuis plus de dix ans, ces créatures étranges suscitent un formidable regain d’intérêt ainsi que l’atteste le succès, par exemple, des dessins animés de Hayao MIYAZAKI ou des manga de Shigeru MIZUKI.
Le phénomène a eu également un écho en France car les Français produisent également et de plus en plus, de manga liés à leur propre histoire. Et leur intérêt pour le genre va croissant. Pour preuve, il suffit d’aller au rayon bandes dessinées d’un magasin comme la Fnac par exemple.

De nouveau, nous assistons à un aller-retour d’échanges culturels, car c’est par le manga que les Japonais apprennent la culture du vin, en particulier celle du Vin de Bordeaux.

En effet, le manga au Japon est un outil d’apprentissage et il existe des manga de haute qualité dont le contenu informatif est indéniable. Les Japonais, curieux de connaître la vigne, la vinification, l’œnologie vont chercher dans ces petits ouvrages présentés de manière divertissante les réponses aux questions qu’ils se posent. Parmi les plus connus et appréciés au Japon « Le Sommelier » et  « Les gouttes de Dieu ». Je vous en ai apporté quelques éditions. Sur les copies des pages que vous trouvez dans vos dossiers, vous pourrez voir sur la première page un œnologue en pleine analyse des arômes qui pense y déceler un subtil mélange de grenade et de cannelle.

Quant à la deuxième page, il s’agit là d’une soirée amicale se déroulant dans un bar de Yakitori. Vous pouvez voir le protagoniste procéder à la décantation du vin.

Car ce qui se rapporte au vin au Japon est marqué par la « French touch » et fait donc l’objet d’une grande curiosité. L’habitude de boire du vin au Japon remonte à une quinzaine d’années et s’est largement répandue, comme vous avez pu le constater dans vos marchés à l’export. A ce titre, j’ai ouï dire que le Japon était le 4ème marché mondial pour le vin de Bordeaux ! Fut un temps, j’ai d’ailleurs travaillé dans une société de commerce international (Sogo Shosha) qui exportait du vin vers le Japon.

Aujourd’hui, bien que la vente des vins français reste largement majoritaire au Japon, l’offre s’est étendue avec l’introduction des vins de Californie, Australie, Afrique du Sud ou Chili. Les alcools forts sont de moins en moins appréciés au profit de la consommation du vin. De plus les Japonais connaissent et apprécient les cuisines venues de pays étrangers que le vin accompagne. Il est également à noter que, de plus en plus, les Japonais consomment du vin pour accompagner leurs sushis ou tempura…Un petit conseil aux fabricants d’électroménager pour développer la consommation du vin au Japon. Dans ce pays chaud et humide, où le climat ne favorise pas la conservation, il serait tout à fait pertinent de rendre plus accessibles et disponibles les caves électroniques.

Je ne voulais pas finir cet exposé sans dire quelques mots sur les échanges sportifs qui ont constitué, après la deuxième guerre mondiale un grand pont pour les échanges humains et culturels au sens le plus large, dans lesquels le judo a eu un rôle très important.

Le judo fait partie intégrante de notre culture, mais nous pouvons remarquer que c’est la France qui a contribué en grande partie à lui donner un rayonnement international. Le mot « judo » apparaît pour la première fois dans le Larousse, en 1931.

Quand je suis arrivé en France en 1963 pour la première fois, à peine moins de vingt ans après la guerre, j’ai été très surpris de constater l’importance de la pratique de ce sport en France. Chaque ville, presque chaque village possédait déjà un club et la Fédération Française de Judo était très solidement implantée.
Le judo a été fondé par Monsieur Jigoro KANO, un penseur, sportif et éducateur. Après avoir étudié à l’Ecole des Langues Etrangères où il entre à l’âge de 16 ans, Jigoro KANO va suivre les cours de l’Université de Tokyo.
Il fut le premier membre d’origine asiatique du Comité International Olympique, fondé par le baron Pierre de COUBERTIN. Lors de la réunion du Comité International Olympique qui s’est déroulée au Caire, il a œuvré pour que Tokyo soit la ville élue pour les jeux de 1944, ce qui ne se fera pas à cause de la guerre. Jigoro KANO décède, cette même année, sur le bateau qui le ramène au Japon. C’est en 1964 que son vœu se réalisera. A cette période, le judo est proclamée discipline officielle des Jeux Olympiques. Un champion hollandais va gagner l’épreuve mais c’est avant tout le judo qui sort vainqueur puisqu’il est enfin reconnu internationalement.

En France, l’histoire du Judo a 100 ans. Aujourd’hui Monsieur Jean-Luc Rougé, préside la Fédération Française de Judo qui compte près de 600 000 inscrits. Cependant, si l’on prend en compte tous les pratiquants sur le territoire français, ce chiffre peut être porté à 1 million. Le judo est actuellement le troisième sport pratiqué par les Français, après le football et le tennis. On compte en France 37 000 ceintures noires et depuis 1975 la France a obtenu, dans les compétitions internationales, 95 médailles dont 29 d’or.

Plusieurs raisons expliquent ce bel accueil du judo en France. D’une part, le judo s’accorde bien à la mentalité française. En effet, si le judo a été conçu au Japon par un penseur, en France, on constate qu’il est pratiqué par de nombreux intellectuels et chercheurs. Ainsi Irène JOLIOT-CURIE, la fille de Pierre et Marie CURIE,  faisait partie de la première organisation de la Fédération Française de Judo. Et le président-fondateur de la Fédération sera Paul BONET-MORY, scientifique et collaborateur d’Irène JOLIOT-CURIE.

Dans le Japon d’aujourd’hui, le judo ne passionne peut-être pas les jeunes autant que le football, sport national en France, ou que le base-ball, d’origine américaine, peu pratiqué en Europe.

C’est ainsi qu’il y a quelques mois,  lors de la finale à San Diego du 1er Championnat mondial de base-ball, ce n’est pas un Américain mais un japonais qui a gagné.

Le monde du sport, à l’instar de celui de l’économie, est désormais mondialisé.
Ce qui m’amène à vous parler du dernier point de nos échanges. Il s’agit des échanges économiques en la France et le Japon.

Comment la France est-elle perçue par les Japonais depuis ces 20 à 30 dernières années ? Tout d’abord comme le pays de la culture, un pays qui développe de nombreuses marques de luxe et un pays qui, de par sa tradition, offre sur le marché de nombreux produits alimentaires de qualité dont bien entendu le vin dont vous êtes les brillants ambassadeurs.

Le Gouvernement Français a souhaité également élargir cette image à un monde plus industriel. C’est ainsi qu’au début de l’année 1993, la France a lancé une campagne intitulée « Le Japon, c’est possible », dont l’objectif était double. Il s’agissait non seulement de renforcer la présence économique, industrielle et commerciale de la France sur le marché japonais – qui était alors considéré comme l’un des plus difficiles à pénétrer-, mais également de développer les investissements japonais sur la terre de France.

Des échanges ont eu lieu pour promouvoir une bonne image et une meilleure connaissance des deux pays. Ce fut en 1997, « l’Année du Japon en France » suivie en 1998 par « l’Année de la France au Japon ».

La campagne « Le Japon, c’est possible » a été très fructueuse et je citerai pour exemple, celui de l’automobile. L’usine Toyota, à Valenciennes a été la première usine japonaise à s’installer en France.

Renault s’est ensuite allié avec Nissan, avec à sa tête un grand manager de l’industrie, Carlos GHOSN, qui a non seulement sauvé Nissan mais a surtout hissé cette société à un niveau international. Aussi Monsieur Carlos GHOSN est-il considéré par les japonais comme un héros du monde économique et des affaires.

A propos de cette alliance, je glisserais une anecdote qui montre à la fois le génie de Claudel et le sens de cette alliance : dans sa « Correspondance diplomatique avec le Quai d’Orsay » datant du 13 avril 1926, Claudel relate que la première course automobile japonaise vient d’avoir lieu sur la route, encore peu carrossable, reliant Tokyo à Kyoto. Le lauréat de cette course de 659 km conduisait une Renault de 8.3 CV, et Claudel souligne la valeur d’exploit de ce résultat. A la suite de quoi, il a cette prémonition extraordinaire, qui ne se réalisera que 70 ans plus tard. Je cite ce trait de génie visionnaire:
« Le moment me semble venu pour une de nos grandes entreprises françaises, la maison Renault par exemple, de s’établir au Japon en alliance avec une société du pays. »

Je ne sais pas si ces faits économiques peuvent être entièrement attribués à la campagne « le Japon c’est possible » mais on ne peut que constater la simultanéité de ces événements.

Une seconde campagne a démarré « l’esprit partenaire », dont vous trouverez le magazine dans votre dossier. Quelques pages sont consacrées à la MCJP.
Si les échanges dans l’automobile ont bien lieu, ils sont plus problématiques dans le monde de l’aéronautique. En effet, Airbus, marque européenne, occupe le marché mondial à près de 60 %, le reste étant occupé par Boeing. Or au Japon, le marché est occupé à 90%  par Boeing. Je sais que c’est une grande préoccupation pour EADS et sa filiale Airbus qui souhaiterait mieux pénétrer le marché japonais.

Je n’irai pas plus loin ; je souhaitais toutefois l’évoquer auprès de vous. Nous allons désormais voir un film de présentation de la MCJP et de ses activités. Si vous avez des questions, je serais ravi d’y répondre après le film, autant que le temps le permet.

Pour conclure, je souhaiterais remercier chaleureusement l’équipe de l’Académie du Vin de Bordeaux, ainsi que vous tous, Mesdames et Messieurs, qui par votre présence et attention, m’honorez énormément !