2010

09/11/2010

Conférence « L’ivresse de l’architecture » de Paul Andreu suivie d’un dîner-dégustation au Château Pichon Longueville

L'ivresse de l'architecture, de Paul Andreu, ArchitecteDiscours d’accueil du Grand Chancelier, Nicolas de Bailliencourt

Maître et cher Monsieur,
En ayant accepté de rejoindre notre Académie vous m’avez dit récemment que vous étiez jusqu’alors membres de nombreuses académies « sèches » et que vous étiez heureux de rejoindre enfin une académie « humide ». J’ai bien aimé ce propos et apprécié que vous n’ayez pas dit « mouillée » ce qui eut pu prêter à confusion quant à nos pratiques œnologiques.
Notre académie, comme vous le savez, rassemble non seulement des vignerons mais aussi des personnalités venues de différents horizons : écrivains, hommes politiques, universitaires, industriels. Nous n’avions pas d’architectes. Le premier d’entre nous qui avait avancé votre nom pour rejoindre nos rangs n’est malheureusement plus parmi nous pour vous accueillir. Il s’agit de notre cher confrère Thierry Manoncourt, propriétaire du Château Figeac, malheureusement décédé il y a quelques jours. Nous n’avions pas d’architecte parmi nos académiciens voilà une fâcheuse lacune qui est aujourd’hui comblée.
Cher Monsieur vous êtes né à Bordeaux ce qui est déjà un atout dans la vie lorsque l’on s’intéresse à l’architecture et au vin. De brillantes études vous ont successivement amené à fréquenter le lycée Louis le Grand, polytechnique, les ponts et chaussées, les beaux arts, en somme tout ce qu’il faut pour devenir un architecte de renom, passionné -dites vous- par tout ce qui a trait aux activités artistiques et scientifiques
Vos réalisations tant en France qu’à l’étranger touchent aux domaines des transports, de la culture, des loisirs, du sport… Certaines d’entre elles sont probablement utilisées par beaucoup d’entre nous sans qu’ils sachent que vous en êtes le créateur. Il en va peut être ainsi des aérogares de Bordeaux, Nice, Roissy Charles de Gaulle, d’Abu Dhabi, de Jakarta, du Caire, de Shanghai. Mais il faut ajouter également vos réalisations les plus importantes le musée de la mer à Osaka, un gymnase à Canton, un centre musical à Shanghai, et encore l’opéra de Pékin, une de vos plus récentes et fameuses créations… autant de lieux de vie, d’échanges, de culture que nous autres vignerons fréquentons tout au long de l’année un peu partout dans le monde pour la promotion de nos vins.
Quoi de plus agréable que d’atterrir, après un voyage fatigant, dans une aérogare dont on apprécie spontanément la belle simplicité, l’organisation fonctionnelle, la structure lumineuse, l’architecture audacieuse, bref de débarquer dans un lieu qui donne un a priori favorable, voire admiratif, sur le pays qui vous accueille, et permet d’y entrer de meilleure humeur. Et quelle fierté lorsque l’on découvre que tout cela est dû à un architecte français !
Incidemment il serait bon que vous puissiez vous occuper des aérogares de Moscou ou de Saint-Pétersbourg, où l’Académie était récemment pour une conférence qu’elle organisait avec Madame Carrère d’Encausse dans le cadre du jumelage Bordeaux/Saint Pétersbourg. Sans vouloir trop chagriner nos amis russes -de plus en plus amateurs de nos vins- il y a fort à faire de ce côté-là. On pourrait gloser indéfiniment sur les thèmes : architecture et liberté, innovation, créativité, bien-être, art de vivre, environnement, économie d’énergie… Bref, de même que l’on dit « quand le bâtiment va tout va » on pourrait ajouter là où il y a architecture il y a nécessairement ouverture d’esprit, culture et civilisation… tout du moins « en devenir » comme on dit aujourd’hui.
On peut espérer que les nombreux pays dans lesquels vous avez œuvré, notamment en Asie, se sont engagés dans cette bonne voie, tout comme ils se sont engagés dans la consommation des grands vins de Bordeaux, synonymes eux aussi de civilisation.
Mais revenons-en à vos passions. Vous aimez écrire. Vous avez publié plusieurs ouvrages d’architecture ainsi que des romans. Ce pourrait être votre occupation principale pour les années à venir, dites vous, avec les mathématiques, « si j’en avais encore la capacité », ajoutez-vous modestement. N’en doutez pas. Vous savez sûrement que nos vins nous apportent à tous non seulement du rêve et de la convivialité mais aussi une aide précieuse pour rester jeune et alerte de corps et d’esprit.
Permettez-moi de citer un romancier, volontiers moraliste, Jacques Chardonne. Jacques Chardonne a écrit quelque chose qui, semble-t-il, convient assez bien et au vin et à l’architecture : « Sans morale, nous dit-il, il n’y a pas de vin de Bordeaux, ni de style. La morale c’est le goût de ce qui est pur et défie le temps »…
Votre arrivée parmi les Académiciens du Vin de Bordeaux pourrait être une incitation à vous consacrer plus encore à nos vins, par des travaux pratiques de dégustation qui joignent l’utile à l’agréable mais également à consacrer votre savoir-faire à l’architecture qui magnifie nos vignobles. Vous savez que le maire de Bordeaux veut lancer un concours d’architectes pour créer la « citée de la culture et du vin » qui fait cruellement défaut à la ville. Ne serait-ce pas une occasion parfaite pour offrir aux vins de Bordeaux le cadre qu’ils méritent … et qui naturellement serait pur et défierait le temps ?
Quoiqu’il en soit, Maître et cher Monsieur, c’est un plaisir et un honneur pour nous de vous accueillir, en espérant que vos nombreuses activités vous autoriseront à venir parmi nous le plus souvent possible car vous êtes aujourd’hui – en tant qu’Académicien du Vin de Bordeaux- plus que jamais chez vous en Bordelais.

Conférence "L'ivresse de l'architecture" de Paul Andreu suivie d'un dîner-dégustation au Château Pichon Longueville