Dîner au Château d’Yquem à l’occasion des 13es vendanges de Malagar
Remise du diplôme et de la médaille de Membre d’honneur
à Monsieur Patrick Stefanini ès qualité de Préfet de la Région Aquitaine
Monsieur le Préfet de Région,
Il est de tradition que l’Académie reçoive parmi ses membres d’honneur le plus haut représentant de l’Etat dans notre région. C’est pour moi un grand plaisir de m’acquitter aujourd’hui de cette mission.
Monsieur le Préfet, vous êtes titulaire d’une licence de Sciences Economiques mais surtout vous êtes un ancien élève de l’Ecole Nationale d’Administration, promotion Michel de l’Hospital. Il n’est certainement pas anodin que vous ayez fait partie de cette promotion qui porte le nom d’un homme d’Etat, juriste, Chancelier de France, veillant toujours sur la France du haut des marches de l’Assemblée Nationale. Michel de L’Hospital s’est efforcé d’apporter un peu d’ordre et beaucoup de tolérance dans cette France pour le moins troublée des Guerres de Religions, sous la régence de Catherine de Médicis et le règne de Charles IX.
Votre carrière semble en effet toute dévouée à l’ordre, à la bonne administration de vos concitoyens, peut- être également au secret qui doit souvent entourer vos missions régaliennes …
C’est dire que le thème choisi cette année pour des Vendanges de Malagar vous convient parfaitement. Est-ce à dire que vous faites vôtre ce propos de Jean Guitton : « le secret de gouverner est de fermer les yeux sur ce qu’il ne faut ni voir ni savoir » ? Franchement je ne suis pas sûr que vos responsabilités au service de l’Etat vous y invitent…
Votre cursus vous amène successivement à la Préfecture de Police et au cabinet du Ministre de l’Intérieur, en 1986. Entre 1988 et 1996 vous exercez vos compétences à l’Inspection générale de la ville de Paris, puis vous rejoignez le cabinet du Premier Ministre ; en 1998 vous êtes nommé Conseiller d’Etat, puis en 2005, Secrétaire Général du Comité interministériel du contrôle de l’immigration, tâche délicate et sujet qui tient au cœur de beaucoup de nos compatriotes.
Vous serez ensuite, en 2007 et 2008, conseiller auprès du Ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Co-développement (seule l’administration française est capable de charger ainsi la barque de ses fonctionnaires, et sans doute, seuls nos fonctionnaires sont-ils capables de mener à bien de tels programmes !).
Naturellement, vous êtes membre de la Légion d’ Honneur, officier de l’Ordre National du Mérite et Chevalier du Mérite Agricole, ce qui sans doute vous rapproche un peu des vignerons que nous sommes.
J’ai presque envie de dire que votre nomination en tant que Préfet de la Région Auvergne, en 2009, a dû vous paraître, sinon une sinécure, tout du moins une période de repos, bien méritée. Que les habitants d’Auvergne n’y voient aucune désobligeance de ma part à leur égard, mais plutôt un salut à la vie saine et équilibrée que l’on mène dans cette belle région.
Mais aujourd’hui c’est l’Aquitaine qui vous accueille, toujours un peu frondeuse et prête à fomenter quelque ormée. Le château Trompette a bien été édifié par Charles VII et renforcé par Louis XIV pour surveiller ces Bordelais turbulents.
Cependant, grande consolation dans vos nouvelles fonctions, « c’est ici qu’est le vin dont le nom est partout », pour reprendre la devise de l’Académie. Pour charmer un Bordelais dites lui simplement que son vin est exquis, vous vous en ferez un ami pour la vie. C’est un peu cette opportunité que l’Académie vous offre aujourd’hui en vous demandant de lui faire l’honneur de rejoindre ses rangs. Vous avez accepté. Soyez en vivement remercié. Nous espérons que vous viendrez nous voir le plus souvent possible. Nous nous ferons un plaisir de vous accueillir et de vous faire goûter nos vins.
Nicolas de Bailliencourt dit Courcol
Grand Chancelier de l’Académie du Vin de Bordeaux
Monsieur le Grand Chancelier, Messieurs les Conseillers d’Etat et chers collègues, Mesdames et Messieurs les académiciens, Mesdames et Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs.
Je voudrais tout d’abord, Monsieur le Grand Chancelier, vous remercier en mon nom personnel et au nom de mon épouse, pour votre invitation. Je voudrais également vous remercier pour le grand honneur que vous me faites en m’accueillant ce soir au sein de l’Académie du Vin de Bordeaux. J’avais déjà ressenti ce grand honneur, lorsqu’il y a quatre mois, le Président de la République, après deux ans d’exercice de mes fonctions comme Préfet de Région en Auvergne – la terre natale de Michel de l’Hospital – m’a nommé Préfet de la région Aquitaine. J’ai bien senti que je changeais complètement de région et que j’arrivais dans une région riche où la qualité de vie est tout à fait exceptionnelle. C’est une région forte de ses traditions anciennes renommées, au cœur desquelles on trouve le vin, sa culture, et si j’ose dire Monsieur le Grand Chancelier, sa civilisation.
Je mesure donc parfaitement qu’en m’ouvrant les portes de l’Académie du Vin de Bordeaux, vous faites de moi un ambassadeur du vin de Bordeaux. Il m’appartient donc d’en faire la promotion – je me tourne vers le Président du CIVB – mais aussi de la Gironde et de l’Aquitaine. Plus globalement Monsieur le Grand Chancelier, il m’appartient, dès lors que vous m’avez admis au sein de votre Académie, de faire la promotion du vin de Bordeaux partout dans le monde, car s’il est bien une richesse de l’Aquitaine qui est connue mondialement, c’est le vin de Bordeaux.
Vous avez choisi cette année comme thème des entretiens des vendanges de Malagar, celui du secret. Vous m’avez posé une question à laquelle je ne vais pas me dérober. Vous m’avez demandé quel est le rôle du secret dans l’exercice de la fonction préfectorale. Je voudrais d’abord dire que c’est un véritable pari, c’est même une gageure, que d’avoir choisi ce thème dans une société qui ne connaît que la volonté de transparence et le souci quasi effréné – je me tourne ici vers les journalistes qui sont présents dans cette salle – d’information et d’image. J’observe d’ailleurs qu’il y a parmi vous des journalistes dont le métier est précisément de traquer la vérité. Il y a aussi des élus ou d’anciens élus dont les mandats les ont conduits à l’occasion d’élections ou de réélections, à s’exposer en toute transparence au jugement de leurs électeurs. J’observe aussi que vous avez soigneusement évité – j’ai regardé le programme des vendanges de Malagar – un certain nombre de thèmes : le secret de l’instruction, ou ce qu’il en reste, le secret des délibérations qui s’imposent normalement à toutes les juridictions et à tous les organismes collégiaux, ainsi que le secret des affaires, dont on parle beaucoup moins, mais qui a son importance.
Après tout Mesdames, Messieurs, le meilleur moyen de protéger un secret, n’est-il pas de ne pas en parler ? Le moment est maintenant venu pour moi de répondre à votre question, Monsieur le Grand Chancelier. Quel rôle joue le secret dans la conduite d’une carrière préfectorale et dans les décisions que nous avons à prendre ?
J’ai un peu de mal à répondre à cette question. D’abord, parce que la fonction de préfet a beaucoup évolué. Il y a une part d’autorité et une part de commandement, mais il y aussi une part d’action et maintenant, une part de communication. Vous avez, avec beaucoup de talent, cité un certain nombre de grands auteurs. Je vais citer de mémoire – et j’espère qu’Yves Guéna me le pardonnera – le général de Gaulle dans « Le fil de l’épée » en 1932. Il s’intéressait à la fonction de commandement qui est l’un des aspects de la fonction préfectorale. Il rappelait qu’il n’y a pas de grand homme pour ses domestiques. La formule est passée à la postérité. Il rappelait aussi qu’on ne révère ce que l’on connaît trop bien. A propos du rôle de mystère et du secret dans la fonction de commandement, j’indiquerais qu’il faut toujours, dans le mouvement des pensées et dans les projets, qu’un élément subsiste que les autres ne puissent pas saisir, qui les intriguent et qui les tiennent en haleine. Eh bien, voilà ma réponse Monsieur le Grand Chancelier, au rôle du secret, dans l’exercice de la fonction préfectorale.
Je terminerai en revenant rapidement au vin de Bordeaux, pour vous dire que j’ai le sentiment que beaucoup de secrets président à l’élaboration des vins de Bordeaux et que je suis pour ma part persuadé que c’est l’un des éléments de leur prestige.
En tous les cas, merci de m’avoir accueilli dans votre Académie !
Patrick Stefanini
Préfet de la Région Aquitaine