Menu

Présentation de Château-Figeac 2009 par le comte Philippe de Lur Saluces

A Bordeaux comme dans beaucoup d’endroits, il est très enviable de plonger ses racines dans le temps. Le Château-Figeac fait cela à merveille.

La famille propriétaire, les Manoncourt, qui nous accueillent ce soir, y est installée depuis 1892.
Avant cela, les Figeacus occupaient l’endroit au 2è siècle de notre Ere.
Et avant cela, la haute-terrasse composant le plateau, finalement assez Pomerolais, qui a été constituée pendant la période glacière du Pléistocène dite « glaciation de Günz » entre 760 et 530.000 ans avant notre Ère mais là, je ne vous apprends rien, pardonnez-moi d’énoncer l’évidence.

Thierry Manoncourt a dépensé beaucoup de temps et d’énergie à observer et surtout analyser le terroir de Figeac. Sur ce sol très graveleux – la profondeur des graves atteint 7m par endroit – avec une sous-couche d’argile, Thierry Manoncourt décide d’oublier le Malbec et de planter plus de Cabernet. Ingénieur-agronome de formation, il innove en utilisant l’inox pour les vinifications parcellaires. Marie-France Manoncourt, ses filles Hortense et Blandine dotent Figeac d’un nouveau chai tellement bien intégré qu’on pense qu’il a toujours été là. Une évidence architecturale.

Figeac est bien l’œuvre d’une famille, même s’il ne faut pas se promener longtemps avant de tomber nez-à-nez avec le Directeur, Frédéric Faye, à Figeac depuis 21 ans.

Les vins de Figeac sont, dans le paysage Saint-Émilionnais, classiques et subtils, avec une grande fraîcheur et une profondeur qui se révèle avec l’âge.

Monsieur le nouvel Académicien du Vin de Bordeaux, classique, c’est bien, non ?

Nous avons le bonheur de profiter des largesses de la famille Manoncourt et de déguster un Figeac 2009, en magnums.

2009 est un millésime pour vignerons.
Un millésime de vigneron, à Bordeaux, c’est un millésime où il a fallu travailler d’arrache-pied pour essayer de contrer les caprices de la nature.
Un millésime pour vigneron, c’est un millésime où Frédéric Faye peut jouer au tarot dans les vignes parce que tout se passe bien et la nature a décidé d’offrir un grand millésime.

La couleur est d’un rouge profond.
Au nez, l’ouverture est cédrée, chaleureuse puis évolue vers un cassis qu’un Bourguignon ne renierait pas. Le cassis prend du corps et devient presque pâte de coing… mais évoquer la prune semble plus précis. Viennent ensuite en bouche la réglisse, une certaine minéralité, un voile de fumée, un soupçon d’herbes grillées avant une finale doucement épicée.

Je ne résiste pas à terminer ce commentaire par la lecture d’un autre, rédigé avec talent par un amateur de Figeac, Pierre Desproges.
Desproges raconte un dîner avec une femme qu’il souhaite conquérir…
« J’avais commandé un Figeac 71, mon saint-émilion préféré. Introuvable. Sublime. Rouge et doré comme peu de couchers de soleil. Profond comme un La mineur de contrebasse. Eclatant en orgasme au soleil. Plus long en bouche qu’un final de Verdi. Un vin si grand que Dieu existe à sa seule vue.
Elle a mis de l’eau dedans. Je ne l’ai plus jamais aimée. »

Présentation du Château de Fargues 2005 par Véronique Sanders

Merci à notre Grand Chancelier pour le choix de ce Château de Fargues 2005 qui nous permet de rendre hommage à Alexandre de Lur Saluces disparu cet été.

Alexandre de Lur Saluces a été un membre éminent de notre Académie puisqu’il en a été le Grand Chancelier de 1991 à 2004. Et un Grand Chancelier très actif. En dehors d’inviter de remarquables conférenciers à nos dîners-débats, de resserrer les liens avec l’Académie des 50 de Hollande, de participer aux cérémonies du Tricentenaire à Saint-Pétersbourg avec la Mairie de Bordeaux, ou encore de développer nos relations culturelles avec la Chine, le Comte Alexandre de Lur Saluces a fait appel à une quinzaine de professionnels, courtiers, négociants et viticulteurs afin de former une commission jeune qui a réalisé un film documentaire et un livre intitulé « Bordeaux mémoire en mouvement » consacrés à l’épopée du vignoble bordelais et aux raisons qui ont permis un rayonnement planétaire. Le tout dans le plus pur esprit de l’Académie !

Mais revenons à Fargues. C’est en 2004 aussi qu’il se consacrera à temps plein à son Château de Fargues, fief de sa famille, où il applique exactement les mêmes principes qu’à Yquem. Le rendement moyen pratiqué y est de 8 hectolitres par hectare, afin d’obtenir au fil des tries successives, des grains rôtis d’une concentration naturelle de 20°. Un élevage de trois ans en barriques y est aussi pratiqué. Un millésime indigne ne sera jamais signé par Fargues. « C’est notre noblesse ! » aimait à dire Alexandre de Lur Saluces.

Fargues était d’abord une ferme produisant des légumes, du lait… et du vin rouge. Situé près de la forêt des Landes, au sommet d’une colline dominant la vallée de la Garonne, le vignoble de Fargues est constitué́ d’un sol argilo-calcaire, et est passé de 9 hectares en 1968 à plus de 15 en 2003. Le vignoble est complanté de deux cépages : le sémillon (80 %) qui apporte au vin le gras, la rondeur et la structure ample, et le sauvignon blanc pour son côté́ aromatique et sa grande fraicheur. Les vignes ont en moyenne 35 ans d’âge. Alexandre y fait construire un cuvier puis un chai moderne autour d’une vieille grange avant de lancer la rénovation de la forteresse.

Son fils Philippe qui a repris le flambeau depuis quelques années, avec sa délicieuse épouse, Charlotte, me disait du vin que nous dégustons ce soir : « 2005 est un peu l’enfant parfait, accouché dans des conditions idéales, donnant un vin idéal dans des quantités idéales ! »

En effet 2005 a eu les conditions météorologiques d’un grand millésime. Année sèche et chaude. Mais chaude et fraîche à la fois – nous nous sommes mariés fin juillet avec Alexander et nous avions emmailloté dans des papillotes d’or – la couleur du Sauternes – les femmes qui trouvaient la température effectivement fraîche après une belle journée d’été !
2005 est le fruit de 5 tries successives manuelles. Imaginez les brumes du matin générées par le Ciron et la chaleur en deuxième partie de journée qui favorisent dans un process de maturité lente, le développement parfait du botrytis cinerea et un très bel équilibre.
On vendange grain par grain ce raisin idéalement botrytisé. Un verre par pied de vigne !
Faire du Sauternes est un travail de Bénédictins. Il faut allier à la symbiose entre l’homme et la nature une grande dose d’obstination. Mais cette année-là, la récolte est importante avec une grande qualité de raisins, ce dont on rêve chaque année pour Sauternes ! Pour l’amoureuse que je suis des vins de cette région, mon millésime de mariage est donc béni…

Alors à l’heure où les feuilles mortes s’envolent, dégustons ce 2005.
Ce 2005, d’une grâce étonnante, est tout à la fois une danse hongroise, un cygne issu du carnaval des animaux, un grand moment de Prokofiev ! Les Lur Saluces sont au Sauternes ce que Gautier Capuçon est au violoncelle : magicien, prodige, ambassadeur, pour réaliser un hymne à la joie et à l’amour…

Merci, cher Philippe, de continuer à faire briller Fargues avec la même exigence d’excellence !