La Porcelaine des Indes, du Professeur Philippe Haudrère suivie d’un exposé sur l’introduction des vins européens au Japon
Professeur Philippe Haudrère, Agrégé d’Histoire et Docteur d’Etat
La route de la porcelaine de Chine vers l’Europe.
Aux XVII° et XVIII° siècles, les relations entre l’Europe et la Chine sont assurées par les Compagnies des Indes, entreprises disposant du monopole des relations maritimes et commerciales entre un pays d’Europe et les régions situées au-delà du cap de Bonne-Espérance. Chaque nation maritime, ainsi les Provinces-Unies, l’Angleterre, la France, le Danemark et la Suède ont de telles sociétés. Pourquoi ces puissances recourent-elles au monopole ? C’est qu’il s’agit de voyages longs et difficiles, demandant des navires très solidement construits, donc coûteux, portant des cargaisons de grande valeur. Il faut des capitaux importants, et le monopole donne une certitude de profits élevés, donc la possibilité de trouver des fonds sur les marchés financiers. Par ailleurs, c’est un commerce de produits de luxe, avec un petit nombre d’acheteurs ; si de grandes quantités étaient proposées, les prix diminueraient, donc les échanges ne seraient plus rentables, et le marché serait mal approvisionné. Le monopole permet d’exercer un contrôle sur les quantités mises en vente annuellement.
Par ailleurs le commerce entre l’Europe et la Chine se fait par l’envoi de métaux précieux, surtout des piastres d’argent, qui sont utilisées pour acheter du thé, des porcelaines, des soieries, et autres objets fabriqués en Asie.
1. La route maritime vers la Chine.
Pour aller en Chine, il faut impérativement quitter l’Europe au mois de novembre au début de celui de décembre au plus tard ; c’est une nécessité imposée par le rythme de la mousson, car il faut arriver dans l’océan Indien pendant les mois de mai ou de juin, au moment où souffle la mousson du sud-ouest, qui porte les navires vers les littoraux de l’Asie, or, il faut à peu près six mois pour gagner le cap de Bonne-Espérance.
L’inconvénient est d’être obligé de traverser le golfe de Gascogne durant la mauvaise saison, en plein hiver, aussi le début du voyage est-il difficile, avec parfois des avaries, comme des ruptures de mâts ou de gouvernail, ou bien l’apparition de voies d’eau, qui contraignent à gagner le port le plus proche pour faire une réparation, avec un risque de retard.
Une fois sorti du golfe de Gascogne, les bâtiments longent la côte du Portugal, puis celle du Maroc et entrent dans les alizés, vent permanents, soufflant du nord vers le sud. Parfois on fait alors une brève escale aux Canaries, ou bien pour les Français à Gorée, afin de prendre de l’eau et de reposer un peu les hommes. Ensuite, le passage de l’Equateur est un autre moment difficile, car cette zone de vents variables et de calmes demande beaucoup de savoir-faire de la part des navigateurs. Puis la route se poursuit vers le sud, en une vaste boucle, vers les rives de l’Amérique, afin d’éviter les vents contraires de l’hémisphère austral. Vers le 30° parallèle sud, lorsque l’on rencontre les grands vents permanents d’ouest qui font le tour de la terre, il faut gouverner vers l’est, vers le cap de Bonne-Espérance, qui est franchi très au large. C’est un parcours rapide, mais très dur, car on y trouve souvent des gros temps. S’il est nécessaire de reposer les hommes, surtout si les premiers symptômes du scorbut se manifestent, les officiers organisent une escale d’une durée de quinze jours à trois semaines en rade du Cap.
Trois routes peuvent être utilisées ensuite pour gagner l’Asie : 1° la « grande route » par le sud, en utilisant les vents d’ouest, qui est rapide – environ trois mois – mais dangereuse, car il n’y a aucune possibilité de secours ; 2° le « passage intérieur » par le canal de Mozambique, utilisable seulement au début de la mousson ; 3° la route intermédiaire, par l’est de Madagascar et les Mascareignes, souvent utilisée par les Français, qui sont chez eux à Bourbon (La Réunion) et à l’île de France (Maurice). Il faut alors environ quatre mois pour arriver aux Indes orientales. Pour aller en Chine, il faut de plus franchir les détroits, soit celui de la Sonde, de faible profondeur (8 mètres pour des vaisseaux qui ont un tirant d’eau de 6 à 7 mètres), soit celui de Malacca, dans lequel les vents variables contraignent bien souvent à tirer des bords, ce qui allonge la durée du trajet et fatigue les matelots. Après le passage des détroits, les bâtiments longent la côte de l’Annam, puis celle de la Chine méridionale, avant de reconnaître l’établissement portugais de Macao, à l’entrée de la rivière des Perles. Il s’est écoulé alors environ dix mois depuis le départ de l’Europe, et les Européens arrivent donc en Chine vers le mois de septembre ou celui d’octobre.
Canton, à l’embouchure de la rivière des Perles, est le seul port de l’empire de Chine ouvert au commerce des Européens. C’est un site d’estuaire et la ville se trouve à une centaine de kilomètres de la mer. Les vaisseaux s’arrêtent dans une baie, située à une quinzaine de kilomètres en aval de la ville, et ils s’ancrent dans une vaste baie intérieure, près d’îles dont chacune est attribuée à une nation ; il y a « l’île des Français », « l’île des Danois », et sur chacune d’elles quelques constructions légères, construites en bambou, abritent les matelots, qui ne sont pas autorisés à aller plu loin. La liaison avec Canton est faite avec des embarcations à fond place, qui portent les marchandises.
2. Le commerce.
Les opérations commerciales se déroulent dans les factoreries, situées dans un faubourg de la ville, le long de la rivière. Chacune d’elle est louée à une nation européenne. Ce sont des bâtiments de construction chinoise, avec au rez-de-chaussée des magasins où sont entreposées les marchandises, et au premier étage des bureaux, salles de réception et logements pour les employés de commerce, ou « subrécargues », embarqués à bord des vaisseaux, et chargés des opérations commerciales. Les autorités chinoises interdisent la résidence à demeure des Européens dans la ville, et ceux-ci doivent tous quitter le port avec le dernier bâtiment, à la fin des opérations commerciales. Cependant les Européens peuvent habiter à Macao. Les subrécargues ne peuvent quitter leur résidence sans une autorisation spéciale du vice-roi, représentant l’empereur, et le quartier des factoreries est surveillé par des postes de garde. C’est une « prison », où l’on s’ennuie, à l’instar de François Terrien, originaire des environs de Nantes : « La Chapelle-sur-Erdre vaut mieux encore que ce pays-ci », écrit-il à se parents.
Les subrécargues disposent d’instructions préparées par les directeurs généraux de chacune des Compagnies des Indes. Pour la porcelaine, il peut s’agir de commandes spéciales, ainsi des services décorés aux armes, ou bien un « ordre de faire exécuter dans toutes les proportions douze bidets aux armes du roi, conformément au dessin joint à la lettre du 17 octobre 1733 ». Ou bien ce sont des cargaisons courantes, comme celles qui sont réunies par les Français en 1740 : « L’assortiment de la vente de 1738 était assez complet. Voici approchant ce qu’il faut avoir : 10 à 12.000 paires de tasses bleues, celle de cette année sont d’une bonne forme et d’un beau bleu ; 5 à 6.000 paires de tasses de couleur, plus en Japon qu’en Chine (sic), et point trop grandes, comme les bleues ; 2 à 3.000 paires de gobelets bleus et autant de couleur, mais ceux de cette année sont un peu trop grands. L’on doit trouver tout cela tout fait, soit en japonais, soit en Chine. Les services bleus de cette année sont bons, mais les saladiers sont trop grands, il ne faut que de 10 pouces et les compotiers de 8 pouces, et s’il se pouvait mettre 10 douzaines d’assiettes pour chaque service, n’y ayant pas assez de 6 douzaines… ». Ainsi n’y a-t-il pas de différence entre la porcelaine de Chine et celle du Japon – ou Imari – copiée par les Chinois ; Il y a aussi une suprématie du bleu et blanc. On trouve encore dans les cargaisons des pièces de forme achetées par les officiers européens et chargés dans leurs coffres, ainsi un lieutenant de vaisseau français en 1738, « 24 coquilles et 10 gobelets » en porcelaine de couleur.Il n’y a pas de différence nette entre la porcelaine de Chine et celle du Japon [genre Imari]
Les Européens négocient avec des marchands « privilégiés », les « hannistes », seuls autorisés à faire du commerce avec eux. Ce sont des grossistes, au nombre de douze à quinze, accrédités par le vice-roi. Ils sont solidairement responsables, réunis dans une société, le « co-hong », et en même temps ils rivalisent entre eux pour obtenir la signature des marchés avec les subrécargues de toutes les nations. Ils disposent de plus d’un personnel assez nombreux, pour pouvoir charger et décharger les marchandises, conduire les barges depuis la ville jusqu’aux vaisseaux, faire les achats de ravitaillement pour le personnel navigant, escorter les embarcations sur le fleuve en assurant la surveillance des Européens. Selon les autorités chinoises cette organisation permet d’éviter l’infidélité d’un marchand qui pourrait s’enfuir dans l’intérieur du pays après avoir reçu une avance d’argent sur les futures livraisons. Les hannistes sont aussi responsables du paiement des taxes au profit du trésor impérial, et celles-ci, nommées droits d’ancrage, ou droits de douane, ou encore cadeaux pour le vice-roi, sont lourdes, d’un montant moyen de 40 % du prix d’achat.
Ce sont les hannistes qui font venir les marchandises de l’intérieur du pays, car les Européens ne sont pas autorisés à y entrer.
3. La fabrication de la porcelaine.
Le grand centre de la fabrication de la porcelaine se trouve dans le centre de la Chine, à 800 km. au nord de Canton à Jingdezhen (King-te-tchen), ville décrite par un missionnaire jésuite, ceux-ci étant les seuls pouvant circuler dans l’Empire, dans une lettre datée du 1er. septembre 1712, et dont voici quelques extraits :
« Mon Révérend Père,
Le séjour que je fais de temps en temps à King-te-tchen pour les besoins spirituels de mes néophytes, m’a donné lieu de m’instruire de la manière dont s’y fait cette belle porcelaine qui est si estimée, et qu’on transporte dans toutes les parties du monde. Bien que ma curiosité ne m’eût jamais porté à une semblable recherche, j’ai cru cependant qu’une description détaillée de tout ce qui concerne ces sortes d’ouvrages serait de quelque utilité en Europe. Outre ce que j’ai vu par moi-même, j’ai appris beaucoup de particularités des chrétiens parmi lesquels il y en a plusieurs qui travaillent en porcelaine, et d’autres qui en font un grand commerce … »
Description de la ville
King-te-tchen est placé dans une plaine environnée de hautes montagnes … Le spectacle qui se présente à la vue lorsque l’on entre par une des gorges [est étonnant], … des tourbillons de flamme et de fumée qui s’élèvent en différents endroits font d’abord remarquer l’étendue, la profondeur et les contours de King-te-tchen ; à l’entrée de la nuit on croit voir une vaste ville tout en feu, ou bien une grande fournaise qui a plusieurs soupiraux »
Division du travail
Moulage « Il est surprenant de voir avec quelle vitesse ces vases passent par tant de différentes mains. On dit qu’une pièce de porcelaine cuite a passé par les mains de soixante dix ouvriers. Je n’ai pas de peine à le croire après ce que j’en ai vu moi-même … »
Peinture « Le travail de la peinture est partagé dans un même laboratoire entre un grand nombre d’ouvriers. L’un a soin uniquement de former le premier cercle coloré qu’on voit près des bords de la porcelaine ; l’autre trace des fleurs, que peint le troisième ; celui-là est pour les eaux et les montagnes ; celui-là pour les oiseaux et les autres animaux … »
« Pour ce qui est des couleurs de la porcelaine, il y en a de toutes les sortes. On n’en voit guère en Europe que de celle qui est d’un bleu vif sur fond blanc. Je crois pourtant que nos marchands y en ont apporté d’autres… Il y en a d’entièrement rouges ; et parmi celles-là, les unes sont d’un rouge à l’huile [émail brillant], les autres sont d’un rouge soufflé, et sont semées de petits points à peu près comme nos miniatures »
Conclusion « Après ce que je viens de rapporter, on ne doit pas être surpris que la porcelaine soit si chère en Europe ; on le sera encore moins quand on saura qu’outre le gros gain des marchands européens, et celui que font sur eux leurs commissionnaires chinois, il est rare qu’une fournée réussisse entièrement … D’ailleurs, la porcelaine qu’on transporte en Europe se fait presque toujours sur des modèles nouveaux, souvent bizarres, et où il est difficile de réussir …, car il ne faut pas croire que les ouvriers puissent travailler sur tous les modèles qui leur viennent des pays étrangers »
La lettre se poursuit avec de nombreuses indications sur les techniques de fabrication.
Ce texte est d’une grande importance, car il autorise la création des premières manufactures de porcelaine au « grand feu » en Europe. En effet, depuis plus d’un siècle les Européens recherchaient le secret de la fabrication, comme en témoigne ce passage d’une lettre privée écrite par un commis de la Compagnie française des Indes envoyé à Canton : un porcelainier « … ayant commencé à faire part [du secret de la fabrication de porcelaine] au sieur Roth, subrécargue de la Compagnie, dans la maison duquel il avait fait porter déjà sa matière et son fourneau et même commencé l’opération, il fut trahi et dénoncé par un domestique chinois de Monsieur Roth et obligé pour se soustraire à la fureur de ses compatriotes qui assiégèrent en tumulte la maison de s’échapper par une fausse porte et d’aller s’établir à Macao ». La lettre du père Dentrecolles est publiée dans le célèbre recueil annuel : Lettres édifiantes et curieuses écrites des missions étrangères par quelques pères de la Compagnie de Jésus, et, à partir de ces indications, bien que celles-ci soient fragmentaires, on commence à fabriquer de la porcelaine à la manière des Chinois.
4. Le retour en Europe et la vente des cargaisons de porcelaine.
En raison de leur poids, les porcelaines composent le lest des voyages de retour. Elles sont placées dans le fond des vaisseaux, disposées, soit en caisses, soit en rouleaux, séparées par des paquets de rotin. De plus, elles ne sont pas sensibles à l’humidité constante qui règne dans les fonds des cales. Au dessus, on place les caisses de thé, qui forment l’essentiel de la cargaison, puis les autres marchandises fragiles comme les soieries et les papiers peints.
Le départ pour le voyage de retour se fait à la fin du mois de décembre ou au début de celui de janvier, après quatre à cinq mois de séjour à Canton, une fois la mousson continentale, celle qui souffle du nord, bien établie. Le passage des détroits est tout aussi délicat que lors du voyage d’aller. Outre les aléas de la navigation, il y a la menace éventuelle d’un ennemi, car durant le voyage et le séjour en Chine il est possible qu’une guerre ait été déclarée en Europe, ainsi en février 1745, au début de la guerre de Succession d’Autriche, trois vaisseaux français revenant de Canton sont-il capturés à la sortie du détroit de la Sonde par une escadre britannique. Le cap de Bonne-Espérance est le principal obstacle en raison des vents contraires qui y règnent. Il faut longer de près la côte de l’Afrique, de façon à être protégé des grands frais dominants par la masse du continent et à pouvoir utiliser le courant de compensation vers l’Atlantique. Depuis le début du mois de mai jusqu’à celui d’octobre, durant l’hiver austral, la forte des vents d’ouest est telle qu’il n’est pas possible de franchir le Cap. Il faut donc éviter à tout prix de prendre du retard au départ de Canton et dans la traversée de l’océan Indien. Si une telle occurrence se produit, la seule solution est de se réfugier dans une escale (ainsi celles des Mascareignes pour les Français) et d’attendre le moment favorable. La traversée de l’Atlantique est faite durant la belle saison, et les bâtiments atteignent l’Europe durant le mois d’août ou bien en septembre, après deux ans ou environ de navigation.
Les grandes ventes aux enchères des Compagnies des Indes se déroulent durant les mois d’octobre et de novembre. Celles de la compagnie française se tiennent pendant la seconde quinzaine d’octobre. Avant celles-ci des listes des marchandises proposées sont distribuées. En ce qui concerne les porcelaines on y observe quelques changements, d’abord, à la fin du XVII° siècle, le décor est le plus souvent inspiré de modèles européens, conformément aux instructions des directeurs, « Cessez de nous envoyer des dragons, écrivent-ils, faites nous des fleurs », ensuite entre 1730 et 1740, le nombre des modèles diminue, tandis que les quantités augmentent. C’est un signe de la vulgarisation de l’usage de la porcelaine et de son adaptation aux nécessités des Européens. En moyenne, il est vendu alors chaque année de 200.000 à 400.000 pièces, dont 65 à 75 % de bleu et blanc. Les prix sont élevés : un rouleau de cent pièces de bleu et blanc vaut de 90 à 120 livres (alors que 1 livre tournois est le salaire journalier moyen) ; un rouleau de cent pièces de couleur, 116 à 130 livres ; un service bleu et blanc de 112 pièces de 195 à 210 livres ; un service de couleur de 122 pièces de 300 à 350 livres. La diffusion est importante à Paris et dans les principaux ports et villes de la France atlantique ; il y a aussi quelques marchands étrangers, ainsi des Genevois.
Cette rencontre d’une technique chinoise avec un décor et des formes européennes est exceptionnelle et elle a une durée assez brève. Dès le second tiers du XVIII° siècle les quantités transportées commencent à diminuer car les Européens sont désormais capables de fabriquer des pièces analogues à celles des Chinois, bien que l’on ne retrouve pas sur celles-ci la saveur de l’inspiration orientale et l’éclat sans pareil des émaux.
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Joji Nazawa, étudiant japonais auteur d’un travail
présenté à l’Université de Paris-Sorbonne
Introduction du vin européen au Japon,
au cours des 17e et 18e siècle
1. Introduction
Ce soir je voudrais considérer la consommation du vin européen au Japon au XVIIème siècle, en examinant surtout les activités des marchands hollandais de la Compagnie des Indes orientales qui étaient présents dans ce pays depuis le début du siècle.
Tout d’abord, cette question : pourquoi s’intéresser à la consommation du vin européen à l’époque Moderne ? En effet, quand on regarde l’histoire du vin à cette époque, c’est souvent la production et le commerce qui attirent le plus l’attention ; en revanche on porte toujours beaucoup moins d’intérêt à la consommation. Prenons Bordeaux par exemple. Il y a là une production scientifique extrêmement riche et renommée, réunie d’abord par les géographes, puis par les historiens, et qui porte sur l’histoire des grands vignobles, des châteaux, des négociants, des sociétés, des familles et du commerce. On connaît donc très bien l’importance historique de la viticulture sur le développement économique de cette région. Néanmoins, on connaît moins bien ce qui se passe finalement avec le vin qui quitte Bordeaux. La Hollande, par exemple, a été l’un des plus grands importateurs du vin bordelais au XVIIème siècle. Il y avait une certaine quantité de ce vin qui était consommé en Hollande, et puis il y en avait aussi une autre qui repartait vers l’Europe du Nord, et il est probable qu’il y avait encore une autre partie qui s’en allait vers d’autres régions du monde, notamment en Asie qui s’appelait autrefois les Indes orientales, dont le Japon faisait partie.
Et puis, pourquoi le Japon ? Parce qu’au Japon aussi, nous n’avons pas encore d’étude concernant l’histoire du vin pour la période qui précède le lancement de la production locale de vigne au milieu du XIXème siècle. Ainsi, jusqu’à maintenant, on ne comprenait pas vraiment les raisons qui avaient conduit le nouveau gouvernement de
cette époque à investir dans la vigne parmi les autres productions agricoles. Nous ne savons pas non plus s’il y avait une consommation du vin aux époques précédentes.
Enfin, pourquoi les Hollandais ? Parce que les marchands de la Compagnie hollandaise des Indes Orientales restèrent sans cesse présents au Japon tout au long du XVIIème. En particulier, après les années 1640, ils étaient devenus les seuls Européens à détenir le privilège de continuer le commerce dans ce pays. Il y a à peu près dix ans, on a réalisé des fouilles importantes sur le site de l’ancienne résidence de ces Hollandais dans la ville de Nagasaki, et parmi ce que l’on a déterré, on a trouvé beaucoup de bouteilles de vin d’un verre de couleur verte foncé. On savait certes déjà que les Hollandais importaient du vin, surtout pour leur propre consommation, mais jusqu’alors personne ne s’était interrogé d’une manière plus précise, par exemple sur sa provenance, les quantités amenées et les modalités de consommation.
Voilà donc l’origine de cette étude sur la consommation du vin au Japon au XVIIème siècle à travers les Hollandais. Quelques dates qui semblent importantes. La Compagnie hollandaise des Indes Orientales fut créée en 1602. Sept ans plus tard, en 1609 elle installa son premier comptoir au Japon (appelé alors factorij en néerlandais). La première moitié du XVIIème siècle au Japon est marquée par la politique antichrétienne qui s’est aggravé. En 1633, il fut formellement interdit aux Japonais de sortir du pays. Enfin, en 1639 les Portugais furent complètement exclus, les Hollandais devenant ainsi les seuls Européens autorisés à commercer au Japon ; ils conservèrent l’exclusivité de ces relations jusqu’en 1854.
Que ce fut du vin de France ou celui d’autres pays viticoles en Europe, pour que le vin européen arrivât au Japon dans les navires hollandais au XVIIème siècle, il fallait que les Hollandais le récupérassent avant de partir aux Indes Orientales. Une fois que les navires quittaient la Hollande, ils allaient, en règle générale, directement à destination de Batavia, la Djakarta actuelle, en Indonésie. A partir de 1652, ils faisaient une escale d’avitaillement au Cap de Bonne Espérance. La durée moyenne d’un tel voyage au XVIIème siècle était de 238 jours, soit 8 mois . Batavia étaient le centre commercial de la Compagnie hollandaise et toutes les marchandises y étaient réunies avant repartir vers d’autres régions d’Asie. Donc, tous les navires qui arrivaient au Japon partaient de Batavia. La durée de ce dernier voyage était à peu près d’un mois. Autrement dit, il fallait au moins 9 mois de navigation pour le trajet de la Hollande au Japon à l’époque.
C’est dans le sud-ouest du Japon que la Compagnie hollandaise avait établi un comptoir. Après 1641, il s’est trouvé à Nagasaki, ville aujourd’hui connue plutôt comme victime de la seconde bombe atomique à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, c’est donc dans cette importante cité portuaire que les Hollandais furent présents pendant deux siècles, du XVIIème au XIXème siècle. Obligation leur était imposée d’habiter dans une presqu’île artificielle au large de la ville, qu’on appelait « Deshima » et qui à l’origine avait été construite pour héberger les Portugais. Pour le Japon, mais pour les Pays-Bas aussi, « Deshima » reste toujours un endroit unique parce que ce fut l’un des rares qui ait gardé le drapeau néerlandais flottant même sous l’occupation des Pays-Bas par Napoléon Ier. C’est un collègue hollandais qui m’a appris que Deshima était ainsi présenté dans le programme d’Histoire dans les écoles néerlandaises.
2. La consommation par les Hollandais eux-mêmes
Un premier graphique montre les quantités de vins européens reçues au comptoir hollandais du Japon au XVIIème siècle. La liste des cargaisons dont les navires de la Compagnie hollandaise se munissaient nous donne les chiffres précis sur les vins européens envoyés au Japon à chaque saison commerciale.
Dans les premières phases de l’histoire de la Compagnie hollandaise, le vin n’avait aucune valeur commerciale pour son trafic maritime, c’est-à-dire qu’il n’était apporté que pour la consommation quotidienne des personnels. Au comptoir hollandais du Japon, la fourniture du vin commença à se répéter tous les ans vers la fin des années 1620, elle se stabilisa surtout après les années 1630 et augmenta doucement mais sûrement pendant le reste du siècle. Considérant qu’il y avait en moyenne entre dix et quinze personnes travaillant au comptoir hollandais du Japon, ces quantités donnent à peu près un verre de 120 ml par personne et par jour dans les années 1620 tandis que cela augmente jusqu’à 760 ml dans les années 1690, ce qui est presque l’équivalent d’une bouteille de vin d’aujourd’hui.
Au niveau des provenances, trois types de vin ont été fournis d’une manière régulière au XVIIème siècle : le vin d’Espagne, le vin tint , et le vin de France. Sur la totalité, le vin d’Espagne occupe 61%, le vin tint 20% et le vin de France 9%. Ces trois vins représentent déjà 90% dans l’ensemble. Nous pouvons également voir assez clairement le quasi-monopole du vin d’origine espagnole. Pourquoi cette prédominance du vin espagnol ? C’est principalement parce que les activités commerciales des Hollandais n’ont pas cessé même pendant les hostilités avec les Espagnols. Vous savez que les Pays-Bas furent espagnol, au moins jusqu’en 1581 et que l’indépendance n’a été reconnue officiellement qu’en 1648. De plus, il apparaît qu’il y avait une autre raison plus pratique : certains voyageurs européens à l’époque ont avoué la meilleure qualité du vin d’Espagne qui était plus convenable pour les voyages au long cours. Par exemple, un marchand français, François Pyrard de Laval, qui partit de Saint-Malo aux Indes Orientales au début du XVIIème siècle et qui décrivit en 1619 le récit de son expérience après son retour, parle de la nécessité du vin. Il écrit dans les passages intitulés ‘Avis pour se rendre aux Indes Orientales’, « […] il faut que ce soit du vin d’Espagne, car le vin de France ne se peut garder sous la zone torride. Nous en avions porté qui se gâta avant qu’on fût à la ligne ». Sachant qu’il faut quand même passer cette ligne de l’équateur deux fois pour arriver au Japon, il fallait choisir soigneusement le type du vin ! Malgré cela, du vin de France était certainement toujours là, mais la quantité fournie n’en était pas aussi importante que celle des vins espagnols. On est curieux de connaître la provenance de ce vin français, mais malheureusement les documents de la comptabilité de la Compagnie hollandaise au Japon ne nous donnent pas plus de détail.
A part ces trois vins principaux, d’autres variétés qui sont arrivées au Japon mais en quantité beaucoup moins importantes. Les dates indiquent les premiers enregistrements dans la comptabilité de la Compagnie hollandaise :
1637 – Vin rhénan
1642 – Vin du Portugal
1660 – Eau-de-vie (de France)
1660 – Vin de Perse
1679 – Vin sec (d’Espagne)
1687 – Eau-de-vie rhénane
Le vin rhénan était toujours là, mais la fourniture était très instable. Le vin portugais n’est apparu qu’une seule fois au XVIIème siècle, et ce fut en 1642. L’eau-de-vie n’est apparue qu’en 1660 ce qui est beaucoup plus tard que ce qu’on aurait pu penser. Le vin de Perse est sans doute très unique parmi les autres variétés européennes. Batavia, le siège de la Compagnie hollandaise en Asie, importait ce vin régulièrement. Le vin sec, qui est un peu le sherry d’aujourd’hui arriva un peu tardivement ; mais il devint un type de vin régulièrement transporté vers la fin du XVIIème.
3. La consommation par les Japonais
Certainement c’étaient d’abord les Hollandais qui avaient le plus de facilité à les boire, mais en même temps ils avaient l’occasion de partager cette boisson avec les Japonais.
Dans un premier temps, les Hollandais honoraient avec du vin les Japonais qu’ils recevaient en leur résidence. Ce fut d’abord le gouverneur de Nagasaki qui eut souvent l’occasion de s’en régaler. Ce poste peut être comparable à l’intendant en France sous l’Ancien Régime. Il n’était pas le seigneur local mais un envoyé du Shogoun chargé d’inspecter les différentes autorités de la ville – et surtout les relations avec les étrangers dont les Hollandais. Ensuite, il y avait les seigneurs [daimyô] de fiefs voisins, qui rendaient assez régulièrement visite à la résidence des Hollandais à Deshima où ils goûtaient souvent le vin européen. En outre, le vin était souvent servi lors de la négociation des prix des marchandises, notamment la soie chinoise et le cuivre japonais.
Que ce soit à leur résidence de Deshima à Nagasaki, mais aussi pendant la visite annuelle à la Cour shogunale en la capitale Edo et dans certaines grandes villes traversées au passage, comme Osaka et Kyoto, les Hollandais avaient l’habitude de consommer du vin. Le but officiel de cette visite diplomatique était de demander audience auprès du Shogoun pour lui rendre grâce de la permission de commercer. Au XVIIème siècle, il fallait 12 ou 13 semaines pour le voyage de Nagasaki à Edo. Pendant leur séjour de quelques semaines dans la capitale, la délégation de la Compagnie hollandaise était extrêmement occupée à recevoir les personnages importants qui résidaient dans la capitale.
A part tous ces gens de haut rang social qui avaient le privilège de goûter le vin européen, il y avait encore deux groupes qui avaient l’occasion de le déguster plus souvent car ils restaient toujours très proches des Hollandais. D’un côté, il y avait les interprètes japonais qui exerçaient des métiers tout à fait indispensables dans la communication entre les Hollandais et les Japonais. Leur tâche professionnelle ne se limitait pas à la traduction car souvent ils étaient obligés, par exemple, de goûter du vin… pour vérifier s’il n’était pas empoisonné ! D’autre part, des prostituées japonaises fréquentaient ces Hollandais non seulement pendant la journée mais aussi sans doute durant la nuit. Même si les archives de la Compagnie hollandaise restent muettes sur ce sujet, on se doute que ces dames ont dû déguster assez fréquemment cette boisson ‘exotique’ au cours de leurs entreprises professionnelles.
En même temps que les Hollandais accueillaient chaleureusement les Japonais avec du vin, ils étaient tentés d’en offrir comme cadeau officiel, surtout à la cour. C’est le deuxième exemple de l’emploi du vin. Selon les archives comptables de la Compagnie, c’est en 1627 qu’ils en ont offert, pour la première fois, au shogoun et probablement à son entourage. Depuis lors, le vin apparaît comme un cadeau officiel plus ou moins tous les cinq ans et à partir de 1645, cette pratique fut enfin intégrée dans le protocole diplomatique qui se répétait chaque année. Même si cela s’appelait «cadeau », en réalité tous les articles dans la liste des cadeaux étaient accordés par consultation préalable. Autrement dit, quand le vin était accepté comme cadeau, c’est parce que la demande en avait été faite.
Le graphique n°2 indique combien de gens à la cour ont reçu du vin après 1645. Au début, c’était uniquement le shogoun, puis, bientôt deux gouverneurs de Nagasaki. Et puis, comme nous le voyons très clairement, le nombre a évolué d’une manière assez spectaculaire au cours du XVIIème siècle, pour atteindre 25 personnes en 1700.
Alors qui étaient ces personnalités qui recevaient le vin comme cadeau officiel ? Prenant l’année 1700 pour exemple, voici le détail de ces 25 personnages dont les dénominations dans les archives néerlandaises paraissent naturellement très européanisés. C’est d’abord ‘Sa Majesté Impériale’, donc le shogoun, qui se trouve toujours à la tête de la liste de cadeau, et puis elle continue comme suit ;
2 grands conseillers secrets de sa majesté,
4 conseillers ordinaires du royaume,
4 conseillers extraordinaires du royaume,
4 messieurs des conciliations du temple,
2 commissaires des étrangers,
Le grand juge de Kyôto,
3 gouverneurs de Kyôto,
4 gouverneurs de Nagasaki.
Quel était le vin qui était offert à ces gens de cour ? Au XVIIème siècle, c’était majoritairement le vin tint, et puis quelquefois le vin d’Espagne. En tous cas, c’étaient toujours, sans exception, les vins d’origine espagnole que les Hollandais utilisèrent comme cadeau. Sachant que la Hollande avait longtemps lutté contre l’Espagne pour son indépendance, ce choix des deux vins en provenance de l’Espagne comme cadeau officiel de la Compagnie hollandaise peut paraître un peu curieux.
Voici maintenant la troisième destination du vin. Pour ceux des Japonais qui n’étaient pas assez nobles ou qui ne possédaient pas un poste assez important pour recevoir le vin en cadeau – ou bien qui n’en avaient pas suffisamment bu chez les Hollandais – il restait peu de choix. L’un des moyens les plus simples était d’acheter du vin pour son propre compte, même si cette possibilité n’était pas non plus ouverte à tout le monde. Ainsi, selon la comptabilité de la Compagnie hollandaise, la première vente du vin européen a été notée en janvier 1644. C’était à peu près 25 litres de vin tint et le premier client a été un personnage officiel, l’inspecteur général [Ômétsuké] Inoûé Masashigé qui fut connu comme le principal responsable de la politique antichrétienne de la fin des années 1630 jusqu’à 1660. A l’époque il était aussi chargé de la surveillance des relations avec les Hollandais. Le directeur du Comptoir hollandais d’alors, Wilhem Versteeghen, a expliqué que ce personnage officiel ne pouvait accepter aucun cadeau ; en effet, il disposait annuellement d’une importante subvention de Sa Majesté, qui lui faisait obligation de ne rien tenir des Hollandais autrement qu’en payant. Aussi les autres nobles suivirent-ils son exemple pour soulager leur conscience. Ces clients réguliers comprennent les gouverneurs de Nagasaki, les seigneurs des régions voisines et les branches différentes de la famille du shogoun. Par ailleurs, le vin s’est vendu également aux enchères publiques tenues à Deshima, mais dans ce cas, les archives de la Compagnie ne donnent ni les noms d’acheteurs ni leur statut social.
L’image présentée ici (voir la photo au-dessus) date sans doute du XVIIIème siècle, mais elle montre bien ce qui se passait lorsqu’une nouvelle cargaison arrive à Deshima. Il y a deux experts japonais qui inspectent les bouteilles de vin de variétés différentes.
Au niveau du prix, le vin européen était assez logiquement beaucoup plus cher que des produits locaux. La mesure utilisée pour la vente avait une capacité d’à peu près 1,8 litre, ce qui est l’équivalent de celle d’une bouteille traditionnelle de saké. Ainsi, vers 1650, pour acheter 1,8 litre de vin d’Espagne, on devait payer l’équivalent de 90 litres de saké, soit 50 fois plus cher. La même quantité de vin tint se négociait pour le prix de 150 litres de saké, ou de 230 mesures de riz.
Ce qui pose la question de savoir pourquoi certains Japonais ont osé acheter du vin ? En 1654, lorsque le directeur du Comptoir hollandais du Japon, Gabriel Happart, a vu l’ancien gouverneur de Nagasaki persister à lui demander du vin tint, il a noté une observation un peu ironique : « C’est étonnant que des messieurs d’une telle distinction doivent demander une si petite chose de cette manière et que ce jus [c’est-à-dire le vin] soit tellement estimé par eux comme un second nectar que même la jouissance d’un gantang ou deux [c’est-à-dire approximativement 2 à 4 litres] soit considérée comme un privilège. » Finalement, la consommation du vin européen au Japon au cours de cette période représentait un privilège qui était seulement accessible à un petit nombre de personnes. Au XVIIème siècle, ce n’était pas encore une boisson pour la soif comme dans la civilisation européenne, mais plutôt le signe d’un désir, celui de créer une distinction dans une société pleine de clivages.
4. Conclusion
Les marchands de la Compagnie hollandaise des Indes Orientales ont donc amené les vins européens jusqu’au Japon dès le XVIIème siècle, d’abord pour leur propre consommation et puis progressivement pour le partager avec leur hôtes et clients japonais. La diffusion du vin européen dans la société japonaise par ces Hollandais est passée par trois étapes distinctes ; le divertissement, le cadeau et la vente. Cela correspond aussi au processus de la commercialisation d’une nouvelle marchandise européenne. Parmi les différentes variétés de vin, il y en avait trois qui sont régulièrement arrivés au Japon : le vin d’Espagne, le vin tint et le vin de France. Néanmoins ce sont avant tout deux vins espagnols que les Hollandais ont promus au Japon. Au moins au XVIIème siècle, ils ont gardé le vin français uniquement pour leur consommation interne, et ils n’appréciaient pas particulièrement la délicatesse du vin français, surtout dans les Indes Orientales. La grande variété de vin commercialisé par les Hollandais se comprend par le fait que leur pays n’avait pas de vigne sur son territoire européen. Cette situation ne diffère guère de celle d’aujourd’hui : dans les supermarchés, aux Pays-Bas, on trouve des vins du monde entier ; par contre, en France, chez Monoprix par exemple, la plupart des vins en rayons sont apparemment français.
La consommation du vin européen au Japon au XVIIème siècle n’a pas été assez spectaculaire pour avoir un impact économique sur la société locale, néanmoins ce phénomène a une importance historique pour diverses raisons que nous avons discutées. D’abord, le vin était l’un des rares produits d’origine européenne et presque le seul produit alimentaire occidental demandé au Japon à l’époque. Comme on le sait assez bien, les Européens faisaient surtout des profits en déplaçant des marchandises d’une région asiatique à l’autre, c’est-à-dire qu’il n’y avait encore que très peu de demandes pour les produits européens. Et puis, quelle que soit sa taille, le marché pour les vins européens était donc né et fut présent dans ce pays de l’Extrême-Orient dès le XVIIème siècle. Ces clients cherchaient régulièrement à acheter du vin qui était fabriqué aux antipodes du Japon. Enfin, cette continuité stable de la demande fut tellement importante qu’elle posa les bases pour la future production de vignes indigènes et pour une société qui aujourd’hui consomme du vin comme boisson de plus en plus populaire et quotidienne.
Au XVIIème siècle, la circulation des produits a commencé à s’accélérer dans le monde entier. Les produits orientaux comme le thé ou les porcelaines attirent et retiennent plus facilement l’attention des Européens, mais dans l’autre sens parmi l’ensemble des produits occidentaux arrivés en Orient, le vin offre l’un des plus beaux exemples de ce phénomène. Voici donc trois cents ans que le Japon est devenu l’un des marchés les plus sûrs pour les vins classiques européens. Nous connaissons bien non seulement les producteurs mais aussi les consommateurs. Aujourd’hui nous vivons dans une société tellement mondialisée que nous risquons d’oublier la phase initiale de ce phénomène planétaire. L’exemple du Japon montre bien que les graines ont été semées au cours de cette période de l’histoire.