2015

08/12/2015

« Les tribus » par le Professeur Michel Maffesoli

Conférence du Professeur Michel Maffesoli sur le thème "Les tribus"Présentation du Professeur Michel Maffesoli par Nicolas de Bailliencourt dit Courcol, Grand Chancelier de l’Académie du Vin de Bordeaux

Cher Monsieur,

Vous êtes sociologue, ancien élève de Gilbert Durand, universitaire connu pour ses travaux sur l’imaginaire et la mythologie, et de Julien Freund, sociologue spécialisé dans les études d’analyse politique dont vous deviendrez maître assistant à l’Université de Strasbourg pour animer l’Institut de Polémologie. (Polémologie : Science de la guerre). Vous avez été, de 1982 jusqu’à 2012, professeur en Sciences Humaines et Sociales de l’Université Paris Descartes et êtes membre de l’Institut universitaire de France, depuis 2008. Vous avez reçu, en 1992, le grand prix des Sciences humaines de l’Académie Française pour votre ouvrage « la transfiguration du politique » et êtes docteur Honoris causa de l’université portugaise du Minho, à Braga, et de l’université pontificale catholique du Rio Grande do Sul, à Porto Allegre, au Brésil (Je suppose que vous parlez parfaitement le Portugais), enfin docteur honoris causa de l’Université de Bucarest.

Vos travaux concernent, je cite : « l’imaginaire, la postmodernité, l’analyse du quotidien, le rapport entre esthétique et vie sociale et comprennent une critique de l’individualisme au regard des résurgences tribales, nomades et communautaires »… Il va falloir nous parler en termes simples…
J’ai lu quelque part que vous demandiez à « l’homo sapiens » que nous sommes de ne pas rejeter « l’homo demens » qui est une composante indissociable de notre personnalité. Vous invoquez l’ombre de Dionysos pour être le désordre régénérateur qui permet des retrouvailles avec les valeurs que notre société aurait trop longtemps rejetées.
Les tribus, les résurgences tribales, qui selon vous se font jour dans notre société constitueraient le cadre le plus approprié pour ces retrouvailles avec le désordre. Dionysos, dieu de la vigne et du vin nous est cher à nous autres vignerons mais il est aussi, justement, le « deus demens », le dieu de la folie. Comme bien vous pensez il y a là de quoi étonner sinon affoler plus d’un membre de la « tribu bordelaise » !

Conférence du Professeur Michel Maffesoli sur le thème "Les tribus"Professeur Michel MAFFESOLI,
Professeur émérite à l’université Paris-Descartes,
membre de l’Institut universitaire de France

Je vous remercie de cette invitation. J’en suis heureux et flatté. J’ai eu un vague souvenir, je suis déjà venu dans votre Académie, il y a une vingtaine d’années. Je pense que c’était chez vous. Enfin, à l’époque, c’était, il me semble, le Comte Alexandre de Lur-Saluces qui m’avait invité. Et j’avais dû dire – comme je vais le dire ce soir – peut-être quelques bêtises. Vous m’avez dit, n’est-ce pas, de parler simplement. Donc, j’essaye bien évidemment de le faire.
Je vous remercie aussi d’avoir cité mes maîtres, Gilbert Durand, que personne ne connaît. Il aurait pu s’appeler Dupont finalement, mais enfin, il s’appelle Durand, mais c’est un grand anthropologue puisque c’est, à mon sens, l’équivalent de Lévi-Strauss. Mais, le malheur, c’est qu’il n’a jamais habité Paris, il a toujours habité Chambéry. Du coup, cela n’aide pas dans l’intelligentsia française quand on reste enraciné. Et Julien Freund.
C’est Saint Bernard de Chartres, dont on n’oublie malheureusement et le nom et l’œuvre, qui rappelait cette phrase que vous connaissez tous : « Il faut se hisser sur les épaules des géants. » Et je dois à mes maîtres beaucoup de choses, en particulier, d’avoir, bien évidemment, essayé, sur la longue durée, de développer une analyse, non pas sur ce que devrait être la société, mais sur ce qu’elle est.
Et parmi ces figures-là, puisque vous l’avez évoqué, ce n’est pas ici mon propos ce soir, il y a Dionysos. Je crois d’ailleurs même que c’était de Dionysos que j’avais parlé quand j’étais venu, il y a vingt ans, à votre Académie. Parce que Dionysos n’est pas simplement « l’homo demens », c’est aussi « homo ludens » et c’est vrai qu’on a un peu oublié le fait que notre espèce animale n’est pas simplement une espèce rationnelle. Et que dans le fond, il faut savoir gérer cette dimension ludique. Et pour tout dire, d’ailleurs, c’est quand justement on ne sait pas la gérer qu’arrivent ces événements pervers dont l’actualité n’est pas actuellement avare.
Et que, c’est si on sait « homéopathiser » cette part d’ombre qui est en chacun d’entre nous, et qui est dans toute la société, qu’on évite les fanatismes multiples et divers. Donc, Dionysos n’est pas négligeable tout de même. Je rappelle que Dionysos, c’est – ici, vous le comprendrez bien – c’est aussi « Bacchus fédérateur » Et que c’est autour du vin – et j’ai un chapitre de mon livre – et peut-être à cause de cela, vous m’admettrez un jour dans votre Académie, et j’en serai particulièrement bien sûr heureux puisque j’ai fait, à bien des égards, l’apologie de ce Bacchus fédérateur. Il est traduit dans beaucoup de langues, le portugais que je ne parle pas malheureusement. Enfin, je pourrais vous parler patois puisque je suis du sud de la France, mais « lou patouès », chez moi, paraît-il, est proche du portugais, en particulier le portugais du Brésil. Bon, j’arrête là-dessus.
Oui, pourquoi pas parler du tribalisme ?
Cela avait été, à l’époque, mon livre, Le temps des tribus date et c’était dans un temps où je voulais rendre attentif au fait que nos sociétés ne seraient plus simplement une homogénéité, et qu’il fallait accepter, à bien des égards, une construction en mosaïque. Et je montrais que, de ce point de vue, les tribus, qui peuvent être de divers ordres d’ailleurs – je rappelle, c’est tout simplement, je vais essayer de le dire – le partage d’un goût, musical, sportif, religieux, sexuel, peu importe. Et on peut trouver à l’infini les formes d’affinités électives, si je parle un peu comme Goethe, qui allaient constituer nos sociétés. Et voilà pourquoi j’avais parlé du temps des tribus.
Je persiste et signe d’ailleurs. Mon dernier livre porte sur l’idéal communautaire. Je vous conseille de le lire. Il n’est pas inintéressant d’ailleurs. Et je montre que, plutôt que de parler, ce qu’il est fréquent de dire dans l’espèce de bien-pensance un peu ennuyeuse, ce Niagara d’eau tiède de bons sentiments, la médiocrité de la médiacratie, il faut être attentif, au contraire, au fait qu’il y a une mosaïque actuellement. Et il faut s’ajuster à cette mosaïque plutôt que de la condamner a priori. Voilà ce que je disais dans Le Temps des tribus.
Voilà, ce que, trente ans plus tard, je continue à dire. Et je le redirai, si les dieux me prêtent vie.
Alors, pour rendre attentif à cela, c’est cette idée que j’ai hérité de Gilbert Durand, l’imaginaire. Dans le sens simple du terme, comme l’on est tributaire d’un climat stricto sensu, on est aussi tributaire d’un climat spirituel, dans le sens simple du terme, une atmosphère mentale. Et l’imaginaire n’est pas autre chose. Il y a un climat qui détermine ce que nous sommes.
Mais, tout comme on est tributaire d’un climat, que je viens de dire stricto sensu, on est aussi tributaire de ce climat spirituel. Il y a des changements dans le climat. Et donc, il faut bien évidemment s’adapter à cela. Et l’imaginaire, ce n’est pas autre chose, c’est de rendre attentif au fait qu’on ne peut pas avoir une simple vision dans le sens simple du terme, unilatérale du monde, mais qu’il y a, au contraire, une conception plurilatérale. Et donc, à bien des égards, ce qui fait que l’oxymore que j’avais proposé, pour moi, c’est peut-être l’oxymore essentiel de la postmodernité. De ce que, faute de mieux, on appelle la postmodernité, c’est la raison sensible.
Il y a la raison, oui. C’est une des spécificités de notre espèce animale, avec le fait de parler. Mais il y a aussi les sens, le sensualisme sous ses diverses modulations. Et l’imaginaire, c’est cela. On est tributaire, encore une fois, du fait qu’il y a ces deux éléments. C’est ce qui permet de comprendre – excusez de faire encore un peu cette introduction mais elle me paraît toujours nécessaire, quand on prend le risque de m’inviter, Monsieur le Grand Chancelier – donc, même si j’essaye de parler simplement, je suis obligé quand même de mettre en perspective ce qu’est le principe d’une époque.
Là encore, nous sommes quelques-uns qui croyons qu’on peut encore parler latin ou grec dans notre beau pays, et « principium », cela veut dire le fondement. Cela veut dire « princeps », ce qui fait autorité. Et donc, il faut, à bien des égards, repérer, en fonction de ce que je viens d’appeler l’imaginaire, quelle est la signification rectrice d’une époque. Un principe, c’est générateur, c’est organisateur, c’est directeur, et que l’on en soit ou pas conscient d’ailleurs. C’est quelque chose qui va faire la culture.
Moi, je rappelle que la culture, avant qu’elle soit « muséographiée », c’est ce que l’on suce avec le lait maternel. La culture, ce sont des choses fortes simples dans le fond. C’est cela que j’appelle « principe » Et il faut repérer le principe si on veut comprendre ce qui en est. Et à partir de là, bien sûr, il faut trouver les mots qui soient en pertinence avec ce principe.
On connaît – je la redis – la formule de Camus, qui est dite, redite, etc. : « Mal nommer les choses contribue au malheur du monde. » Ce que l’on ne sait pas, c’est que quand Camus emploie cette expression, il le fait après lecture d’un petit apologue chinois, L’Empire se délite. Cela ne marche plus. L’Empereur consulte le Sage. Et c’est à ce moment-là que le Sage lui dit : « Il faut s’asseoir et trouver les mots qui soient pertinents. » Et qu’à défaut de trouver les mots pertinents, eh bien les mots deviennent impertinents. Ils ne sont plus en phase. Ils ne correspondent plus.
Voilà pourquoi je dis que c’est cela, fondamentalement, ce qu’est un principe. Voilà, ce qu’est, à bien des égards, un imaginaire.
En rendant aussi attentif – j’ai bien dit « changement climatique » – tout passe, tout casse, tout lasse. La sagesse populaire le sait. Les savants aussi le disent. Il est un mot que, moi, pour ma part, j’emploie pour bien insister là-dessus, qui est un mot dans le fond très simple, et que j’essaye malheureusement d’imposer au débat intellectuel – cela ne marche pas, mais enfin, c’est ainsi – c’est l’idée de saturation. Quelque chose, encore une fois, peut cesser, la vie continue. Dans le sens simple du terme, il peut y avoir impermanence d’un certain nombre de mots, et continuité de l’existence. Mais, il faut savoir dire ce qui est vécu, non pas ce que l’on aimerait qui soit, ce qui pourrait être. On pourrait gamberger là-dessus à l’infini.
Moi, mon travail, ça a toujours été de rendre attentif à cela. La fin d’un monde n’est pas la fin du monde. Et que, bien sûr, on peut voir comment peut cesser un de ces principes que je viens de dire, mais en même temps que la vie continue. Pour tout vous dire, c’est ce qui est en jeu actuellement. Ce que, sottement, un peu rapidement, on va appeler « la crise » Et de suite, dans la bêtise ambiante, on considère que la crise est économique. Non, la crise n’est pas économique. La crise est sociétale.
Là encore, revenons aux étymologies, « krisis », en grec, cela veut dire le jugement qui est porté par ce qui est en train de naître sur ce qui est en train de cesser, de tomber. Ce que l’on ne dit pas d’une manière beaucoup plus triviale mais non moins intéressante, « krisis », c’est le crible, cet instrument qui fait qu’on va rejeter un certain nombre de choses et garder ce qui mérite d’être gardé. Pour le dire simplement, pour moi, la crise, c’est quand, à un certain moment – et on le voit d’ailleurs dans une carrière humaine – comment ce petit enfant est à l’aise dans sa tête, dans sa peau, dans son environnement, puis tout d’un coup, ce corps se boutonne, se craquelle, et c’est l’adolescence, jusqu’à ce qu’il arrive bien évidemment à un autre équilibre.
Et à ce moment-là, on se rend bien compte que tout simplement, la crise, c’est le fait qu’on n’a plus conscience de ce que l’on est, et du coup on n’a plus confiance en ce que l’on est. Eh bien, dans une carrière sociétale, c’est la même chose. A certains moments, on n’a plus conscience de ce que l’on est, et du coup, il n’y a plus confiance en ce que l’on est. D’où, délitement, d’où, bien sûr, conséquences économiques. Je ne suis pas un benêt. Je considère que l’économie est un élément qui n’est pas négligeable, mais il ne faut pas prendre la conséquence pour la cause.
Et dans le fond, c’est cela qui fait que nous avons à chercher, en effet, quel est le principe directeur, étant entendu, encore une fois, que certains de ces principes se saturent, se fatiguent, s’usent, et qu’à ce moment-là, naît autre chose. Voilà, j’arrête mon introduction, pour dire en quelque sorte, c’est ce que j’ai appris de cette grande thématique de l’imaginaire.
Disons-le tout simplement, l’entièreté de l’être individuel, l’entièreté de l’être collectif. Et que c’est, si on a à l’esprit cette entièreté, que l’on pourra, que l’on saura être en phase avec le temps. Un peu l’avertissement que je disais tout à l’heure – excusez-moi de le répéter – c’est quand il n’y a plus accord avec ce qui est vécu, que peuvent naître les discours de haine, de xénophobie et de racisme. L’actualité, nous le savons, n’est pas avare en ce sens d’exemples.
Voilà, donc, importance en effet de réfléchir à cet imaginaire. Il est des mots savants. Vous en connaissez un, paradigme. C’est Thomas Kuhn, historien américain, qui montre en quelque sorte que, à certains moments, les conditions sont là pour que naisse une découverte scientifique, pour que naisse une application technologique, pour que l’on comprenne ce qu’est une société. L’image qu’il donne d’ailleurs n’est pas inintéressante. Il dit : « Le paradigme est une matrice qui donne la vie. », vie biologique, vie en termes mathématiques, l’intégrale.
Eh bien, moi, mon propos, c’est toujours de montrer quel est le paradigme, en rendant bien sûr attentif au fait que les paradigmes s’usent. Une matrice peut être féconde, une matrice, à certains moments, peut devenir inféconde. C’est ce que nous vivons actuellement.
Alors, pour bien comprendre cela, un diagnostic et un pronostic. Le diagnostic, ce que l’on est en train de quitter, ce qu’il est convenu, et là-dessus tout le monde s’accorde, d’appeler « la modernité » La modernité, les temps modernes, c’est le XVIIe siècle, le grand siècle cartésien, le XVIIIe siècle, l’élaboration philosophique, la philosophie des Lumières, le XIXe siècle, ce qui va être l’élaboration des grands systèmes sociaux à partir des bases que je viens d’indiquer, et cela fonctionne jusqu’à la moitié du XXe siècle. A partir de 1950, de mon point de vue, quelque chose d’autre est en jeu, ce que, faute de mieux, on appelle la postmodernité, c’est-à-dire, ce qui arrive après cela.
Je rappelle juste pour mémoire, je ne me lasse jamais de le rappeler, que ce mot que nous utilisons sans bien y faire attention, modernité, moderne, c’est Baudelaire qui le propose en 1848. Donc, c’est quand même récent somme toute, avant on parlait de post médiévalité. Et donc, c’est à partir d’un certain moment qu’il y a cette modernité, mais vous voyez, on commence à nommer quelque chose quand ce quelque chose arrive à sa fin, déjà. Et donc, la postmodernité, pour moi, est en gestation actuellement et si vous en êtes d’accord, on se retrouvera dans cent ans, et là, on pourra nommer à vrai dire ce que nous vivons actuellement. Mais il faut laisser un peu de temps bien évidemment aux choses pour que cela se réalise.
Alors, diagnostic ? Sur quoi repose cette modernité ? J’ai bien dit, cette époque, trois siècles. Les historiens – je vous prie de m’en excuser – montrent que, sur les deux mille ans de temps que l’on a d’observations, eh bien, chaque trois siècles et demi, quatre siècles, une époque s’élabore et une époque s’achève. Juste encore, pour mémoire et pour votre gouverne, avant que nous passions tout à l’heure aux choses sérieuses, autour de la table, n’est-ce pas, le mot « époque », en grec, cela veut dire « parenthèse » Donc, une parenthèse, cela s’ouvre, une parenthèse, cela se ferme.
Et donc, l’époque moderne repose – je vais vous le dire très simplement – sur le chiffre « un. » Le chiffre, tel qu’on peut le dire en son sens ésotérique et en son sens exotérique. C’est quelque chose qui va, en quelque sorte, rassembler les choses dans l’unité. Deux noms, qui pour moi, sont toujours intéressants, sur deux mille ans de temps, pour bien comprendre cela, Saint Augustin, qui pour moi est le vrai fondateur de la modernité, en tout cas qui donne les fondements philosophiques de la modernité. Il dit une petite phrase, dans La Cité de Dieu, qui m’a toujours inspiré, et qui résume, dans le fond, la compréhension que l’on peut voir, d’une manière profonde, de ce qui est en jeu dans nos sociétés, « La raison humaine conduit à l’unité. »
La lutte qu’il mène, sur le pourtour méditerranéen, c’est justement contre le polythéisme, contre la pluralité des dieux. Et quand il dit « La raison humaine conduit à l’unité. », c’est pour justifier, en effet, « Le Dieu Un, que tu n’adoreras qu’en esprit et en vérité. » Et on voit bien comment on a, là, cet acte de naissance que je dis, chiffre ésotérique et exotérique. Et quasiment deux mille ans plus tard, celui qui est considéré comme étant le fondateur de la sociologie, en tout cas du mot sociologie, réfléchissant sur cette science et sur la société qu’elle est censée dire, mon compatriote Auguste Comte a dit : « reductio ad unum » On va réduire à l’un, le monde, la société, les interprétations du monde.
Voilà pourquoi je dis « chiffre un »
Très rapidement, je ne vais pas vous ennuyer là-dessus, mais on voit bien comment se constitue, dans le fond, le pivot de ce chiffre un, c’est l’invention de l’individu. Invention, en latin encore « invenire », faire venir à jour quelque chose qui est là. C’est Descartes, je l’ai dit tout à l’heure, XVIIe siècle, « cogito, ergo sum » Dans ce « cogito ergo sum », il y a cette invention philosophique. Je rappelle, juste pour mémoire, que tout au long du Moyen Age, et bien sûr, dans les sociétés traditionnelles, celui qui pensait par lui-même était stricto sensu un hérétique, « haeresis » Il se coupait de la communauté.
Et donc, dans le fond, cet acte qui est proposé par Descartes est ce qui va être le fondement de toute la tradition moderne. « Je pense, donc je suis » Je vous dis, pour mémoire et juste pour votre plaisir, la formule en son entièreté de Descartes, c’est : « Cogito ergo sum – nous le savons – in arcem meum, dans la forteresse de mon esprit. »
Et l’on voit bien, en quelque sorte, comment cette forteresse de l’esprit, qui pense par lui-même, et qui après, va justement élaborer des relations contractuelles avec les autres forteresses. Ce n’est plus de la sociologie qu’il faudrait faire, là, c’est en quelque sorte du jeu, le jeu de go, le jeu de dames, le jeu d’échecs, qui montre en quelque sorte comment il va y avoir des rapports entre ces diverses forteresses. Voilà, pour moi, ce qu’est l’invention de la modernité. Un individualisme épistémologique, qui fait qu’il y a d’abord cet individu qui pense par lui-même. Juste, pour mémoire, je rappelle qu’à ce moment-là, d’ailleurs, à peu près à la même époque, s’élabore l’individualisme religieux, la Réforme protestante.
Le texte sacré est traduit en langue profane, c’est-à-dire que tout un chacun a accès directement au texte. Il n’y a pas nécessité d’un clergé qui soit censé interpréter. De surcroît, Gutenberg, la diffusion de la Bible. Et donc, là encore, c’est l’invention religieuse de cet individualisme. Et tout au long du XVIIIe siècle – j’ai rappelé tout à l’heure la philosophie des Lumières – l’auteur paradigmatique de ce point de vue est Jean-Jacques Rousseau. Deux livres de lui sont, de ce point de vue, instructifs, L’Emile, qui est un roman, dit-on, d’éducation, « educare » On va tirer le petit animal de l’animalité vers l’humanité, de la barbarie vers la civilité. Et le dernier mot de L’Emile est un terme intéressant : « si cela a réussi », cet individu que j’ai réussi à tirer, je viens de dire d’où, eh bien, « c’est un individu autonome. » Ce mot est instructif. En grec, « autonomos », cela veut dire « Je suis ma propre loi. »
Et deuxième livre de Rousseau, quand je suis capable de faire ma propre loi « autonomos », eh bien je peux, Du Contrat social, contracter avec d’autres individus autonomes pour faire la société. Voilà, pour moi, le fondement. Encore une fois, on pourrait dire le cerveau reptilien de la tradition moderne. On n’en est pas conscient mais c’est ce à partir de quoi s’est élaborée notre société. Je dirai dans un instant, en quoi et pourquoi cela ne fonctionne plus. Mais en tout cas, c’est cet individualisme – je répète – épistémologique, dans le sens fort du terme, qui, qu’on le sache ou non, a constitué le principe directeur de la modernité, organisateur, générateur. L’imaginaire moderne repose sur cet individu.
Après, voilà, je ne vais pas, ici, vous parler de toutes les grandes caractéristiques de cette modernité. Juste peut-être un terme parmi les quelques mots-clefs que j’ai l’habitude d’utiliser. Cet individu va mettre l’accent sur la raison, le rationalisme. Je dis « isme », c’est-à-dire, encore une fois, une systématisation d’un des paramètres, et qui, du coup, va laisser de côté les autres paramètres, cet « homo ludens », ce rêve, cet imaginaire, qui, aussi, sont des paramètres humains. Mais dans l’individu qui pense par lui-même, le seul élément que l’on va privilégier, c’est la raison. Je dis bien, non pas la rationalité, mais la raison systématisée.
Et je ne l’ai pas dit, je vais le citer, c’est Max Weber, qui est un économiste, historien, juriste, peu importe, de la modernité, dans L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme, montre que justement que ce qui est la grande marque de cet individualisme que je viens de dire, c’est ce qu’il appelle « La rationalisation généralisée de l’existence. » Tout est soumis à raison, tout doit donner ses raisons. Aboutissant à cette expression, que chacun d’entre vous a entendue, si on ne la réfère pas à Max Weber, le fameux « Désenchantement du monde. » On a traduit, en français et dans diverses langues romanes, ce terme allemand « Entzauberung der Welt » qui aurait mieux été traduit par l’idée de « démagification du monde » Enfin, peu importe.
C’est-à-dire, en quelque sorte, c’est cela qui est le socle, à partir duquel s’est élaboré, tout au long du XIXe siècle, qui, à bien des égards, est le grand siècle moderne, s’est capillarisé, par l’éducation, par les diverses institutions – et un grand philosophe français, qui est Michel Foucault, a bien montré comment s’élaboraient justement ces grandes institutions tout au long du XIXe siècle – mais essentiellement sur ces deux mots que je viens de dire : l’individualisme et le rationalisme.
Et encore une fois, c’est ce qui est, sans que l’on y fasse attention ou pas, si on y prête une importance plus ou moins grande, c’est quelque chose de cet ordre qui est en jeu. Voilà, à mon sens, ce qui est en train de se saturer. Même si, soyons clairs, ces deux éléments continuent à rester les pivots de la société officielle. Moi, je suis attentif à la société officieuse. En particulier, celle de ces jeunes générations qui ne se reconnaissent pas, ne se reconnaissent plus du tout dans ces deux principes, et les deux trois autres qui leur sont subséquents, je ne peux pas ici le dire.
Mais dans le fond, autant il y a eu une homogénéisation – et voilà ma thèse, on a une idée dans sa vie, on n’en a pas cinquante – moi, mon idée est là : rendre attentif au fait que ce n’est plus « l’un » qui va prévaloir mais disons une hétérogénéisation du monde. Un polythéisme des valeurs, si je reprends l’expression de ce sociologue dont je viens de parler, Max Weber. Et que, dans le fond, le pivot, à partir duquel il va falloir penser le monde, et ce ne sera pas chose aisée, n’est plus l’individu « un » – c’est cela que veut dire le mot « individu », « indivisible » – mais la personne qui est plurielle.
« Persona », je le rappelle, c’est le masque. Et donc, on a à sa disposition une multiplicité de masques. On sait, à tous les niveaux, éducation, management sous ses diverses formes, organisation de la vie sociale, de la vie économique, on sait tant bien que mal gérer l’individu, et donc l’individualisme. Il va falloir apprendre – et je vous souhaite un bon courage pour cela, parce que cela ne sera pas aisé, en tout cas, moi, c’est fini, je suis « émérite », donc du coup je n’ai plus de fonction éducative – il va falloir apprendre à gérer la personne plurielle.
Et le corrélat de la personne plurielle, eh bien c’est le titre qui a été donné à cette causerie, « Les tribus » C’est-à-dire que dans le fond, l’individu se retrouvait dans le contrat social. La personne s’épanouit dans les tribus multiples et diverses. C’est pour cela que j’avais proposé ce mot de « tribu » Encore une fois, pour un peu court-circuiter le progressisme benêt qui est le nôtre, c’est-à-dire tout simplement le partage d’un goût, je l’ai dit il y a un instant.
Et c’est ce glissement de l’individu vers la personne, de l’individualisme vers le personnalisme qui est, en quelque sorte, de mon point de vue, la marque de la postmodernité, de ce qui est en gestation. En bref, pas exactement au même niveau, on est en train, en quelque sorte, de redécouvrir des caractéristiques qui avaient été celles des sociétés pré modernes, les tribus, les communautés. Alors, pas exactement au même niveau, je rappelle que nos schémas interprétatifs, que l’on en soit ou pas conscient, reposaient tout simplement sur cette flèche du temps.
L’humanité était partie d’un point A de barbarie, allait arriver à un point B de civilisation absolue, Hegel. Si on n’était pas en accord avec cela, c’était l’éternel retour du même, le « cercle nietzschéen. » Moi, ma proposition concernant les tribus, c’est, ni la flèche du temps, ni le cercle, mais la spirale. Je formule cela au travers d’un oxymore qui est un peu ma marque de fabrique, j’appelle cela « l’enracinement dynamique » Excusez-moi, cher ami, j’avais fait un article sur votre château, à l’époque, là-dessus, ce thème de l’enracinement dynamique.
C’est-à-dire que c’est à partir des racines, ces vieilles lunes qu’on avait cru dépassées, eh bien qu’est en train de s’exprimer la dynamique sociale, le « vivre ensemble » sous ses diverses modulations, pour le meilleur et pour le pire, bien évidemment. Le pire, on le sait. On en voit des expressions. Mais après tout, essayons de voir aussi que cela peut être meilleur.
Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire, dans le fond, que l’être n’est ce qu’il est que parce qu’il est avec l’autre, en relation, toujours en contact de ces diverses modulations. Ce qui nous fait sortir dans le fond – j’emploie ici un terme que vous connaissez peut-être – ce terme de Stendhal, l’égotisme. Je ne dis même pas simplement l’égoïsme, cet « égotisme », c’est-à-dire cet enfermement, à bien des égards, dans ce que j’ai appelé tout à l’heure, souvenez-vous en, la « forteresse de mon esprit » Et voilà, c’est ce qui me paraît être en jeu, encore une fois, très simplement vécu, en particulier chez les jeunes générations.
Disons-le tout simplement, une humanité partagée. Quelque chose qui, à bien des égards, fait que c’est la rencontre avec l’autre, que c’est l’inter subjectivité, que c’est une socialité qui fait que – alors je vais le dire en termes philosophies – « la personne est intentionnelle. » Intentionnelle, c’est-à-dire qu’elle est tendue vers l’autre, elle est tendue vers quelque chose qui fait que ce n’est plus dans l’enfermement, encore une fois, d’une identité spécifique, mais au contraire dans ce processus de partage. Expression que vous connaissez, elle est employée de plus en plus, « le sentiment d’appartenance » Et ce sentiment d’appartenance, eh bien, c’est tout simplement ce que je viens essayer d’indiquer : nouvelle forme de solidarité, nouvelle forme de générosité.
Et ce qui est frappant, au-delà des oiseaux de mauvais augure, il me paraît qu’il y a, au contraire, de plus en plus quelque chose de cet ordre qui est en jeu. C’est cela, le tribalisme. Ce n’est pas autre chose. C’est-à-dire, rappeler ce qu’était, en son sens étymologique, la tribu dans les jungles stricto sensu, c’était des formes de solidarité. Comment on allait gérer et résister à l’adversité ambiante ? Comment dans nos jungles de pierres, qui sont les mégapoles postmodernes, eh bien, il y a ces nouvelles formes de solidarité ? Serrez-les coudes. Se tenir chaud. Et donc permettre, à bien des égards, qu’il y ait cette manière d’être ensemble, être avec. Et que cet « être avec » est quelque chose qui renvoie à ce sentiment d’appartenance.
Je rappelle toujours ce terme simple, auquel on ne prête pas attention, se préfixe « co-ceci, co-cela, co-voiturage, co-location, co-working » et tutti quanti. C’est tout simplement le « cum », « avec » Et qu’il y a, de fait, quelque chose qui est de l’ordre « d’avec », encore une fois, grâce aux réseaux, grâce aux sites communautaires. Et c’est ma définition de la postmodernité, synergie de l’archaïque et du développement technologique. C’est cela, la spirale, c’est-à-dire la démultiplication des effets entre ces phénomènes fondamentaux, archaïque, c’est cela, « arkhé », ce qui est premier, ce « cum », « avec » et comment, de diverses manières, cet « avec » trouve l’aide du développement technologique.
En bref, les tribus et Internet. Voilà ce qu’est la définition de la postmodernité. Quelque chose qui fait que, dans l’horizontalité des réseaux, dans les phénomènes de divers ordres que sont les forums de discussion, les blogs, les sites communautaires, eh bien, il y a quelque chose de cet ordre, quelque chose qui va mettre l’accent, dans le fond, à ce lieu des solidarités tribales.
Rappelez-vous le mot que j’ai dit il y a un instant, qu’on y fasse ou non attention, ce qu’était la grande marque moderne, c’était l’autonomie. Là, au contraire, c’est l’hétéronomie. C’est-à-dire que c’est l’autre qui me donne la loi. C’est l’autre qui me dit comment je parle, comment je pense, comment je m’habille, comment je me comporte. Ce n’est pas forcément péjoratif. Encore une fois, c’est une autre manière d’être ensemble, une autre manière, encore une fois, de vivre très précisément ce qui n’est plus simplement le contrat social, avec la dimension rationnelle qu’il y avait dans le mot « contrat social »
Mais, faites attention à ce mot, il faut toujours écouter les poètes. René Char qui dit : « Les mots savent de nous ce que nous ignorons d’eux, ils anticipent. » C’est le pacte. Le pacte est émotionnel. Le pacte est éphémère. Et en même temps, le pacte est très fort. Et dans le fond, il y a, dans ce glissement du contrat au pacte, l’expression sociale du glissement de l’individu à la personne. Et que, dans le fond, de diverses manières, pour moi, les tribus, ce n’est pas autre chose. C’est-à-dire quelque chose qui va en quelque sorte faire éclater ce petit « Soi » vers un Soi plus vaste.
C’est Carl Gustav Jung qui rend attentif au fait qu’on n’est pas simplement enfermé dans ce petit « Soi », mais qu’il y a le « Soi » Quand il dit « le Soi », c’est quoi ? C’est la nature environnante, ce sont les autres du groupe, c’est le sacré de la déité. Et de diverses manières, le « Soi », c’est le retour de ces trois éléments que je viens de dire. Un autre rapport, le « Soi » avec un grand S, un autre rapport, encore une fois, à la nature, qui n’est plus simplement cette nature que je vais dominer et donc que je vais dévaster. Ce n’est plus simplement le rapport à ce petit « Soi » que serait la société, mais quelque chose de beaucoup plus vaste. La tribu, ce n’est pas autre chose, sentiment d’appartenance.
Et puis, aussi, le rapport à cette chose qu’il faudra un jour nommer, ce sera d’ailleurs l’objet d’un prochain livre, dans quelques mois, que je vais publier, le retour au sacral. Le sacral, c’est dans le fond, un sacré diffus, qui va s’observer de diverses manières, et que l’on va voir dans tous les éléments de la vie sociale.
Voilà ce glissement qui est en jeu, pour moi, dans les tribus. Le petit « Soi » au grand « Soi » avec, encore une fois, cette S majuscule. Quelque chose qui fait que dans le fond, ce qui est en jeu, ce n’est plus une utopie lointaine, la cité de Dieu, la société parfaite, « demain, on rasera gratis », non, ce n’est plus cela qui est en jeu, à vrai dire. C’est plus précisément au travers même de ces petites tribus, ce que j’ai proposé d’appeler, moi, « des utopies interstitielles » dans les interstices de la vie. « On bricole l’existence. », l’expression est de Lévi-Strauss, tout cas le mot « bricolage » pas « Bricoler l’existence », cela, c’est de moi.
Mais disons que cette idée de bricolage et de bricoler l’existence, c’est-à-dire ne plus penser – et je crois que les grandes utopies ont conduit, dans le fond, à tous les camps de concentration au siècle dernier – là, au contraire, ces petites utopies interstitielles, ce sont ces petits bricolages qui, à quelque niveau que ce soit, font que l’on vit, d’une certaine manière, avec d’autres. Et bien sûr, non pas avec un a priori, « Je pense a priori ce que doit être la société. » mais a posteriori. On s’ajuste, on s’accommode, avec d’autres, à essayer de gérer et de rendre cette existence la plus supportable possible.
Je propose un mot pour traduire actuellement ce tribalisme, et ce qui est en jeu actuellement, c’est l’idée « d’éco-sophie » pour éviter la dimension par trop politique, de mon point de vue, par le mot écologie, l’éco-sophie, c’est la sagesse de la maison commune. C’est cela « oikos » Donc, dans le fond, une nouvelle sagesse qui est en gestation, encore une fois, non pas dans cette domination du monde « Moi, sujet dominant cet objet inerte qu’était la nature », mais dans un rapport de trajectivité, de réversibilité, de feedback, et d’interactions.
Et que dans le fond, on a, là, exactement ce qui est en jeu contemporainement, c’est-à-dire, je l’ai dit il y a un instant, je le rappelle, ces nouvelles formes de solidarité, ces nouvelles formes de générosité. Il est un mot, pour les gens de mon âge, qui à l’époque, ne marchait pas bien, c’était le mot « caritatif » Il est intéressant de voir comment ce terme du caritatif, dans le vrai sens du terme, reprend une force et vigueur indéniable, et qui, pour moi, tout simplement traduit, encore une fois, ce sentiment d’appartenance, auquel je viens de rendre attentif.
Du coup, eh bien, ce n’est plus simplement, rappelez-vous le second mot-clef que j’ai dit tout à l’heure qui va prévaloir, c’est-à-dire le rationalisme, mais au contraire, une autre manière d’être ensemble. Alors, il est un mot que l’on emploie sans bien y faire attention, sans se rendre compte que c’est un néologisme, que vous ne trouverez pas dans le Littré, mais qui est néanmoins intéressant, c’est l’émotionnel. L’émotionnel, c’est pour moi, l’alternative à ce qu’était le grand rationalisme du Contrat. L’émotionnel, c’est Max Weber qui propose d’employer cette expression, non pas pour décrire une caractéristique psychologique, être émotif, être ceci ou cela, mais pour rendre attentif à ce par quoi j’ai débuté, le climat, une ambiance.
Et l’émotionnel, eh bien, c’est justement ces ambiances sportives, musicales, religieuses, consommatoires, peu importe, ce dans quoi l’on baigne. Et, à bien des égards, je dirais que c’est cet « émotionnel » qui est en jeu contemporainement, qui est à la base même, dans le fond, de ce tribalisme postmoderne. Non plus l’individu contractant rationnellement avec d’autres individus autonomes pour faire « la » société, mais au contraire, ces personnes qui s’épanouissent dans des tribus, des groupes, des communautés, ce que je préfère appeler actuellement, cet « idéal communautaire » pour conforter une autre manière d’être ensemble, reposant sur les éléments que j’ai essayé d’indiquer ici, et en particulier, disons-le tout simplement, solidarité, générosité. Quelque chose qui, à bien des égards, va constituer, à mon sens, la société contemporaine, le retour de diverses manières de ces communautés.
Alors, en bref, les bons historiens – historiens de l’art – ont bien montré que quand on repère, encore une fois, sur la longue durée, les histoires humaines, il y a ce glissement des sociétés classiques à des sociétés baroques. Style classique, style baroque. Le style classique, c’est justement quelque chose qui est à angle droit, la raison telle que je l’ai dite, il y a un instant. Et quand ces historiens allemands parlent du style classique, ils disent : « C’est une mise en perspective optique » Optique, c’est-à-dire « on va éloigner l’autre », on va le mettre en perspective.
Et je pense que la grande caractéristique de la modernité, c’est la mise à distance, c’est l’optique. Le baroque, et j’utilise cette expression pour comprendre ce qui est en jeu actuellement, ce n’est pas de l’optique. Permettez-moi de dire le mot savant que j’utilise, c’est de « l’haptique » Haptique, avec un H, « haptos », cela veut dire toucher, tactilité. L’optique met à distance, l’haptique, au contraire rapproche. Alors, oublions le mot haptique qui n’est pas usuel, mais reprenons cette idée de tactilité. On touche l’autre. Et de diverses manières, et c’est cela le paradoxe qui est en jeu, Goethe le montrait bien « Les sociétés, à leur moment naissant, sont paradoxales. »
Paradoxalement, il y a cette mise en relation. Et dans le fond, c’est ce passage, en quelque sorte, de l’optique à l’haptique, qui me paraît être le passage permettant de comprendre une société homogène vers cette mosaïque de diverses tribus, constitutives de nos sociétés, reposant, à bien des égards, sur ce sentiment d’appartenance. Pour moi, c’est cela le tribalisme postmoderne. En des termes beaucoup plus simples, c’est la logique communicationnelle qui est en jeu, synergie de l’archaïque et du développement technologique.
Et c’est amusant de voir qu’au travers de nos divers instruments de communication, téléphone portable, micro-ordinateur, et tout autre instrument d’interactivité, il y a de la mise en relation. Il y a quelque chose qui fait que ce n’est plus simplement le « primum individuationis » qui prévaut, le principe d’individuation, mais le « primum relationis » Je suis toujours et d’abord en relation avec l’autre. Et c’est, dans le fond, ce « primum relationis » qui est au cœur même de la coopération, du partage, de la réversibilité, de l’interaction, qui trouve bien évidemment l’aide du développement technologique.
Et c’est là, si vous voulez, où je dirais, au-delà de ce qui a caractérisé l’esprit du temps moderne, dont le matérialisme et l’économisisme sont les maîtres mots, il me semble qu’il y a actuellement quelque chose qui renverrait au temps de l’esprit. C’est pour cela que j’ai dit, tout à l’heure, il est difficile d’employer ce mot en français, puisque toujours, il y a une connotation qui n’est pas forcément évidente, quelque chose qui met l’accent sur le spirituel, la force de l’esprit, qui va prévaloir. Et de mon point de vue, c’est cette force de l’esprit qui est au cœur même du tribalisme contemporain.
La technique, soyons clairs là-dessus, cela a été dit, je l’ai rappelé il y a un instant, a participé ou a contribué à ce désenchantement du monde. Ce qui est amusant, ce qui, en tout cas me fait sourire, ce qui est le fondement même de mon analyse, c’est que c’est cette même technique qui contribue, à bien des égards, au ré-enchantement du monde. « Chaque époque rêve la suivante. », disait Walter Benjamin.
Je pense qu’il faut accompagner ce rêve pour que cela ne devienne pas un cauchemar, c’est ce que je vous convie de faire, Monsieur le Grand Chancelier.

Conférence du Professeur Michel Maffesoli sur le thème "Les tribus"

Nicolas de BAILLIENCOURT dit COURCOL, Grand Chancelier de l’Académie du vin de Bordeaux
Merci Professeur. Je ne sais pas s’il y a des questions ?
Oui, je savais bien qu’il y a des questions, mais je voulais vous en poser une. Est-ce que cet ensemble n’induit pas – on revient à la polémologie – n’induit pas des guerres ou des problèmes parce qu’il y a ceux qui veulent être ensemble et ceux qui ne veulent pas ? L’ensemble refuse quelqu’un, éventuellement, et puis vous avez des personnes qui ne veulent pas intégrer l’ensemble en question. Et donc, ces tribus, c’est la guerre avec des flèches ou avec des mitraillettes. Elles se font la guerre, non ? Est-ce qu’il n’y a pas un risque de se faire la guerre et comment l’éviter ?

Michel MAFFESOLI
Oui, je vous ai dit tout à l’heure, mon propos, moi, c’est de faire un constat. Je n’ai pas une attitude ni normative ni judicative. Ce que je peux dire c’est que, oui, il y a, possiblement et malheureusement, on a quantité d’exemples en ce sens – je ne suis pas un commentateur de l’actualité, mais vous avez tous cela à l’esprit – ces tribus qui peuvent tuer l’autre.
Pour moi, ce n’est pas ce qui va perdurer. Voilà, pour le dire simplement. Nous vivons un moment de détresse, où, en bref, on a été tellement formé dans ce que j’ai appelé le chiffre « un », c’est-à-dire l’homogénéité, qu’on ne sait pas gérer le pluriel, l’hétérogénéité. Et que pendant quelque temps, peut-être pendant quelques décennies, mais pour moi, mon point de vue est un peu plus vaste, je ne m’intéresse pas aux clapotis des causes secondes – je voulais commencer par-là, et puis je ne l’ai pas dit – je m’intéresse à l’être, à ce qui est le plus profond, sur la longue durée, eh bien on va faire l’apprentissage de cette pluralité.
Et cela peut nous conduire à ce qu’était d’ailleurs une situation qui a précédé la modernité, non pas une harmonie à partir de la négation des différences, mais ce que je propose, moi, d’appeler, une « harmonie conflictuelle » C’est-à-dire, une harmonie reposant sur la tension de ces mêmes différences. Je donne un exemple très simple – j’y ai pensé tout à l’heure en visitant votre chai – mais, d’abord, avant de parler de cela, l’harmonie conflictuelle, c’est, dans le fond, ce qu’est la cathédrale gothique. C’est la tension des pierres les unes sur les autres qui assure l’équilibre de la cathédrale, de la voûte. Et je dis souvent, ce sont les lames de la barrique, dans leur tension, qui, à bien des égards, assurent la solidité de la barrique.
Et c’est cela, l’harmonie conflictuelle. On est en train de faire l’apprentissage de cette tension. Je me fais bien comprendre, non pas le dépassement de la tension, mais faire donner à la tension le meilleur d’elle-même. Alors, bien sûr, qu’on n’est pas formé à cela, puisque dans notre vieille tradition, thèse, antithèse, synthèse, dialectique. Il fallait dépasser le contradictoire.
Et puisque vous avez eu l’audace de citer Gilbert Durand tout à l’heure, je vous convie à la lecture de Durand. Il parle, après d’autres, après Stéphane Lupasco, après un philosophe de la Renaissance, qui s’appelle Nicolas de Cues, il parle d’une « logique contradictorielle. » La logique à laquelle on est habitué, c’est on va dépasser le contraire en synthèse, thèse, antithèse, synthèse. La logique contradictorielle, c’est la tension, la voûte de la cathédrale gothique ou de la barrique, voilà. C’est cette logique contradictorielle, qui, de mon point de vue, sur la longue durée, va être ce qui est en gestation actuellement.
Je vais le dire au travers d’un autre mot encore.
Il faut que je m’arrête ? Là, je vois qu’on me fait des signes désespérés. Je dis des bêtises ou pas ? Non ? Je peux m’arrêter, si vous voulez qu’on aille boire tout simplement, manger, ce serait peut-être mieux.
Je vous dis le mot quand même. C’est ce qu’on appelle la cénesthésie. « aisthêsis » sensation, c’est ce qu’on appelle un glissement sémantique entre l’aisthêsis, la sensation, et koinon, cela veut dire le tout, kinen, cela veut dire la marche, la cinétique, le cinéma, donc, quand les médecins, au XIXe siècle, emploient le mot cénesthésie, cela veut dire « On est bien dans sa peau. » Qu’est-ce que c’est que la cénesthésie corporelle, c’est quand les divers organes s’ajustent les uns par rapport aux autres, quand le fluide et le solide arrivent à se combiner. On est bien dans sa peau, c’est cela, la cénesthésie.
Les psychologues vont utiliser ce même mot, et moi, cela me fait rêver, quand je vois mon petit-fils apprendre à marcher, c’est la même chose, c’est-à-dire, la cénesthésie. Qu’est que fait un petit enfant avant d’atteindre l’âge d’un an où il va marcher ? Il est attiré par quelque chose qui brille, il se cogne, ça pleure, ça saigne, et puis, tout d’un coup, cénesthésie, c’est-à-dire qu’il a la sensation du tout et de la marche.
Voilà mon hypothèse. La cénesthésie du corps social, nous sommes en train d’en faire l’apprentissage. L’ajustement des divers organes, des tribus, les uns par rapport aux autres, de ce qui est stable par rapport à ce qui est fluide. Donc, cela va saigner encore. Voilà. Cela va pleurer encore un tout petit peu. Espérons, pas trop longtemps, c’est tout ce que je peux dire.

Nicolas de BAILLIENCOURT dit COURCOL
Je ne sais pas s’il y a d’autres questions ? Oui, je vous en prie.

De la salle
Ce que l’on constate, dans le sens des tribus, ce qui arrive actuellement, c’est que – et vous l’avez dit – les mots n’ont plus le même sens en fonction des groupes. Et donc, on n’arrive plus à communiquer puisque les mots n’ont plus le même sens.
Et est-ce quelque chose de tout à fait nouveau ?

Michel MAFFESOLI
Puis-je vous répondre en latin ? « Quid novi sub sole ? Nihil. » Les Latins le savent : « Qu’est-ce qu’il y a de nouveau sous le soleil ? Rien. » Donc, de mon point de vue, ce n’est pas nouveau.
Il est des moments où il y a en effet un décalage, une forme de « babélisation. » Ce que vous venez de dire, c’est la babélisation, mais ce n’est pas uniquement les tribus. Moi, il m’arrive d’avoir beaucoup de difficultés à comprendre mes enfants, dans le langage qu’ils utilisent par exemple. Pourquoi dit-on, par exemple, « trop » plutôt que « très », « c’est trop ceci », « trop cela. » Dans ma tradition, on disait « c’est très ceci, très cela » Cela pour dire que, oui, nous sommes dans un moment où, à bien des égards, ce qu’était l’homogénéisation d’un langage ne marche plus. Et que donc, il va falloir apprendre à s’habituer de cette babélisation.
Notre culture n’est pas exactement celle des quartiers, ou n’est pas celle de telle tribu juvénile, etc. C’est ce que je répondais tout à l’heure, on est en train de faire l’apprentissage. Qui dit apprentissage, dit épreuve symbolique. Mais, ce que je peux répondre, c’est que, dans le fond, il n’y a pas lieu a priori de condamner cela. Il vaut mieux s’ajuster a posteriori, à cette pluralité de manières d’être, de manières d’expressions, etc. C’est vrai que, par exemple, ces jeunes générations, pour moi, ce n’est pas ma culture.
Et en même temps, je me rends compte qu’il peut y avoir un enrichissement à partir de leur culture. Je considère que, par exemple, quand je voyais mes étudiants, qui ne connaissaient pas telles ou telles références qui étaient les miennes, que j’ai dites ici incidemment, les Hegel, Nietzsche et machin chose, enfin tous ces beaux noms qui me paraissent intéressants, qui, pour moi, constituent ma culture, mais en même temps, ils ont d’autres types de culture qui m’enrichissent. Donc, c’est cela, ayons cette générosité d’esprit, capable de comprendre leur langage.
Eh bien, prenons un dictionnaire, ou prenons un traducteur simultané, qui fait, qu’à bien des égards, on pourra peut-être aussi comprendre leur dialecte à eux, leur patois. Il faudrait peut-être aussi faire la même chose vis-à-vis du patois politique par exemple. Est-ce que vous arrivez à comprendre la langue de bois politique de tel ou tel homme ou femme politique ? Parfois, il faut même réfléchir un peu pour comprendre ce patois politique qui est le leur. Je rigole.
C’est pour dire qu’il y a d’autres formes de culture, il y a d’autres manières d’être actuellement, et du coup, eh bien, il faut arriver à trouver les mots qui soient en pertinence. On ne peut plus se contenter de ce qu’étaient les mots auxquels nous étions habitués. Un point, c’est marre, excusez-moi de vous le dire un peu trivialement, mais en fait, dans le fond, il y a là un ajustement. Encore une fois, il se trouve que c’est ainsi, il faut faire avec. On ne peut pas tous les tuer, ces jeunes ! Bon, alors. Il faut faire avec.

Florence CATHIARD
On pourrait peut-être donner des cours aux personnels politiques qui nous gouvernent, parce qu’on ne comprend pas la langue de bois qu’ils manipulent parfaitement.

Michel MAFFESOLI
Moi, j’ai renoncé.

Florence CATHIARD
C’est dommage. Votre vision est court-termiste, donc les ajustements vont être sacrément douloureux parce que ce ne sont plus des ajustements, ce sont des fractures.

Michel MAFFESOLI
Oui, là, il y a un vrai problème. Je n’ai pas envie de rentrer dedans. Vous m’inviterez une autre fois, je vous parlerai du politique. Je vous dirai tout le bien que je pense des politiques. Excusez-moi s’il y en a parmi vous, bien évidemment. Je n’en dirai pas ce soir du mal.
Il est des moments, au-delà des politiques, je crois que nous sommes dans un de ces moments, où il y a un vrai déphasage. Machiavel le montre, il dit comment à certains moments la pensée du Palais ne correspond plus à la pensée de la place publique. Mais, pour les gens de mon âge, on a appris cela, la « secessio plebis », le peuple fait sécession et se retire sur l’Aventin. Vous voyez, c’est pour cela que ce n’est pas la première fois.
Je vous l’ai dit tout à l’heure, un cycle, c’est trois siècles, trois siècles et demi. C’est cela à peu près, des gens comme Durand, Lévi-Strauss, etc. montrent qu’il y a des espèces – et on n’est pas toujours d’accord sur la temporalité que je viens de dire – mais globalement, il y a quelque chose de cet ordre qui fait qu’une époque dure ce que je viens de dire.
Dans ce moment intermédiaire, il y a un choc de plaques tectoniques tout simplement, c’est-à-dire que nous, on est sur un logiciel qu’on a hérité du XVIIIe, XIXe siècle, c’est cela mon diagnostic. C’est ce qu’on est en train de quitter. Et du coup, il y a des difficultés. Et le vrai problème, Florence, il est là. C’est que les hommes politiques restent sur un logiciel, gauche et droite confondues d’ailleurs, ils restent sur un logiciel dix-huitième, dix-neuviémiste, celui du Contrat social. C’est fini. Voilà, il faut arriver à penser autre chose. Il faut arriver à penser la mosaïque.
Et cela se fait avec rien que des tremblements. Mais c’est en même temps enthousiasmant. Moi, je n’ai pas peur. N’ayez pas peur, disait l’autre, c’est un Pape qui disait cela. Je ne suis pas un pape, mais je vous le dis à vous aussi. N’ayez pas peur.
Mademoiselle voulait dire quelque chose. Vous avez une robe rouge splendide. Dites.
De la salle
Vous avez dit que l’individu mettait l’accent sur le rationalisme et je voulais avoir votre avis sur la passion.

Michel MAFFESOLI
On m’avait donné quarante-cinq minutes !

Nicolas de BAILLIENCOURT dit COURCOL
Là, vous avez deux minutes.

Michel MAFFESOLI
J’ai parlé le temps qu’on m’avait dit, à la minute près, en vieux professionnel.
J’ai un peu induit en donnant une piste qui est l’émotionnel. Et pour tout dire, je pense qu’il y – je vais vous le dire d’abord d’une manière sophistiquée et puis je le traduirai en langage courant – on est en train de passer du phatique au pathique. Le phatique, c’est le parler, le pathique, c’est le « pathos » Et le pathos, oui, il est là, ce sont ces émotions multiples.
Emotionnel, c’est-à-dire comment cela vibre, comment de diverses manières, à partir de moments qui peuvent être des situations très diverses, sport, musique, religion, même le politique est actuellement émotionnel. Moi, je m’amuse en regardant, je suis sur un axe, boulevard Saint Germain où il y a des manifestations qui passent. Donc, de mon balcon, je regarde ces diverses manifestations et où l’on voit que l’essentiel de ces manifestations politiques et syndicales, n’est plus du tout programmatique mais qu’elles sont émotionnelles, ça chante, ça tchatche, il y a du ludique. C’est cela, les affects.
Et ce n’est pas forcément péjoratif. Le rationalisme, je vais vous dire, c’est une conception schizophrénique du monde. Schizophrénique, c’est-à-dire un morceau, uniquement. C’est la paranoïa, le grand paranoïaque est un schizophrène, le grand paranoïaque met l’accent sur la raison. Alors que le sens, le sensible – j’ai employé le mot tout à l’heure, ce n’est pas un mot français, je l’emprunte à nos cousins belges – c’est ce qu’on appelle une « belgitude », c’est l’entièreté de l’être. L’entièreté de l’être, eh bien, c’est justement les affects, les émotions, les passions, vous le voyez, sous ces diverses modulations
Je maintiens, c’était aussi constitutif de ce que nous sommes. Et Edgar Morin montre, à juste titre, que, lui, il met l’accent sur « l’homo demens » à côté de « l’homo sapiens » Moi, je dis plutôt « l’homo ludens » l’homme en jeu. Mais dans chacun de ces cas, peu importe, c’est nous rendre attentif à une chose simple, il y a divers paramètres. On a mis l’accent sur un paramètre humain, il est important de mettre l’accent sur l’entièreté de ces paramètres humains, le jeu – regardez ces mots un peu savants – festif, ludique, onirique. Ils sont un peu des mots savants mais que l’on emploie. Mais qui traduisent, encore une fois, cette entièreté.
Pour tout vous dire, moi, je pense qu’il y a là un enjeu qu’il faut savoir accompagner, et peut-être est-ce – je reprends ici l’expression d’un grand philosophe chrétien qui est un grand philosophe, qui est Jacques Maritain – qui parlait de l’humanisme intégral. L’humanisme intégral, eh bien justement, ce n’est pas simplement un morceau, mais cette entièreté. Et que c’est si on met l’accent sur cette entièreté que l’on peut éviter les perversions diverses.
Je vais vous dire, pour moi, le fanatisme religieux, sous ses diverses formes, dont on voit pas mal d’effets actuellement, est peut-être le bâtard de ce rationalisme. C’est-à-dire que quand on a évacué toutes les formes de passion, d’émotion, cela devient pervers, « per via », cela prend des voies détournées. Et, à bien des égards, soyons clairs, pour moi, le djihadisme, est l’enfant naturel du rationalisme. C’est-à-dire quand on n’a pas su gérer, on n’a pas su « homéopathiser », on n’a pas su intégrer, je le dis, cela devient « per vers », dans le sens que j’ai dit tout à l’heure.
L’humanisme intégral, c’est la reconnaissance de l’humus dans l’humain. Ce sont ça, les émotions, ce sont ça les passions. Et qu’il faut avoir l’humilité de reconnaître cet humus dans l’humain. Autant que faire se peut, faisons-le avec humour.

Conférence du Professeur Michel Maffesoli sur le thème "Les tribus"